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Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I
Autoren: Max Gallo
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L’aube, pour chacun d’eux, se leva à une heure différente mais ils naquirent tous le même jour.
    Le fils de Magrit et de John Gallway poussa le premier son cri. La porte de la chambre était ouverte. Les voisines, Elisabeth, l’Irlandaise, Tina, l’Italienne, trempaient des serviettes dans des bassines d’eau bouillante posées sur une table proche de la fenêtre. Jim, le fils aîné de Magrit, le front appuyé à la vitre, la tête sous le rideau n’osait regarder le lit, et quand il y eut le cri nouveau, il courut hors de la chambre, dans la cuisine, entrebâillant la fenêtre, pour ne pas entendre les mots brefs du docteur Allenby : « voilà », « parfait », « comme ça maintenant », « là, là » ou la respiration saccadée de sa mère. Il tendait l’oreille, guettait le vent du Pacifique qui portait le son aigu d’une sirène : un chalutier devait entrer dans la baie, ses feux rouge et vert balancés par la houle longue de l’Océan. Jim reconnut aussi le battement de la pompe qui alimentait en eau la blanchisserie Petersen au bout de la 17 e   Rue. Plus tard il y eut le tintement des cloches des tramways quand ils freinaient le long des pentes dans le quartier chinois. La brume de l’aube avait envahi les rues et recouvert la baie. Tina prit Jim par la main et le conduisit dans la chambre. Le docteur Allenby était debout près du lit, les pouces enfoncés dans les poches de son gilet.
    — Regarde ton frère, dit-il à Jim.
    Il posa sa main sur la nuque de Jim, le força à s’approcher du lit, à voir, enveloppée dans une couverture bleue, cette forme.
    — Tu étais comme ça, murmura Magrit.
    Elle s’appuyait sur les coudes, une jambe nue s’échappant des draps, l’autre repliée et le ventre semblait encore gros. Ses cheveux bouclaient sur le front et les joues, près des oreilles certaines mèches restaient collées à la peau par la sueur.
    — Il a peur, dit le docteur Allenby. Il a raison, un garçon qui naît le 1 er   janvier, il veut toute l’année pour lui.
    Il poussa Jim vers la cuisine.
    — De l’eau, dit-il, un verre d’eau bien fraîche.
    Jim s’échappa, prit un verre, ouvrit la porte donnant sur la rue, courut jusqu’à la pompe qu’il actionna, pesant sur le levier de tout le poids de son corps. L’eau jaillit brutalement, le jet aspergeant Jim qui ne bougea pas malgré le froid qui le saisissait. L’eau était glacée et quand il rentra, Jim grelottait en tendant le verre au docteur Allenby.
    — Une eau biblique, dit le docteur.
    Il buvait à petites gorgées devant la fenêtre de la cuisine qu’il avait ouverte. L’ouest, au delà de la baie, loin sur l’Océan, était encore noir.
    — La nuit dure encore là-bas, dit Allenby.
    Il se penchait vers Jim, décrivait d’un mouvement lent de la main l’horizon.
    — Tu vois les étoiles ? demanda-t-il à mi-voix.
    Ils restèrent ainsi côte à côte face au ciel.
    — Viens maintenant. Il faut que tu le connaisses.
    Allenby prenait Jim par l’épaule, l’entraînait dans la chambre où Tina et Elisabeth chuchotaient.
    — Un garçon pour commencer le siècle, dit Allenby.
    Il écartait les bords de la couverture bleue, obligeait Jim à regarder les bras, les doigts.
    — Comme toi, dit Allenby, un petit homme tout entier.
    — Un 1 er  janvier, c’est un bon signe docteur, n’est-ce pas ? interrogea Tina.
    — Appelez-le Allen, ce garçon, continua Allenby, je veux renaître avec le siècle, un peu. Grâce à lui.
    Magrit, de la main gauche, tentait de trouver sous l’oreiller le portefeuille mais elle avait de la peine à bouger. Elle demanda à Jim de prendre l’argent pour le docteur.
    — Pas aujourd’hui, dit Allenby. – Il secouait la tête, parlait lentement détachant chaque mot. – Pas le premier jour de la première année du siècle.
    Il saisit Jim par le menton, l’embrassa sur la joue.
    — Ce siècle, il est à lui. Tu l’entends ? Il le sait…
    Le nouveau-né recommençait à crier.
    — À lui et à toi, garçon.
    — Mon mari, dit Magrit, John, voulait qu’on l’appelle Roy.
    — Allen Roy, deux prénoms – Allenby levait le pouce et l’index – c’est mieux qu’un.
    Ainsi le 1 er  janvier 1900, sur le registre d’état civil, la première naissance qu’on inscrivit fut celle de Allen Roy Gallway, fils de Magrit, blanchisseuse, et de John Gallway, mécanicien à bord du Gulf Stream I, un cargo mixte qui faisait la liaison
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