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Les guerriers fauves

Les guerriers fauves

Titel: Les guerriers fauves
Autoren: Viviane Moore
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bouche d’un mousse ou d’un enfant que de celle d’un marin !
    — Qu’est-ce qui vous fait croire qu’il nous trahissait ?
    — Plusieurs choses : la première étant son empressement à me justifier la raison de sa promenade nocturne à Maillezais. Ensuite, comme l’a dit très justement Corato, il n’avait ni le parler ni la musculature d’un drapier. Corato m’a confié l’avoir vu prendre sa place pendant la tempête sur les bancs de nage comme les autres rameurs. Ces avirons ne se manient pas aisément, vous l’avez appris à vos dépens.
    — C’est vrai, répondit Tancrède en se souvenant de sa maladresse des débuts.
    — Ce jour-là, notre homme s’est trahi. Il ne pouvait, sans craindre que nous le démasquions, continuer avec nous, mais il attendait encore les ordres de son maître. C’est pourquoi, prudemment, à l’escale de La Rochelle, il m’a dit que, peut-être, il poursuivrait avec nous.
    — Mais il n’est pas revenu. Alors, pourquoi dites-vous qu’il y a quelqu’un à bord ?
    — Je crois que le diable de la Seudre est un homme prévoyant.
    — Pourquoi n’abandonne-t-il pas ?
    — D’abord à cause du trésor, mais surtout parce qu’il est de la même race que l’Orcadien. Nous l’avons mis en déroute et avons tué nombre de ses hommes. Ce qui, d’après ce que nous avons entendu de lui, ne lui était jamais arrivé. Je pense qu’il a fait de tout cela une affaire d’honneur. Sinon, il aurait renoncé depuis longtemps et ne serait pas à faire route derrière nous.
    — Et maintenant ? S’il y a un homme à lui dans ce bateau ou dans l’autre, il pourrait garder la distance.
    — D’une part, je crois qu’il nous défie et d’autre part, il veut faire croire à d’éventuels assaillants qu’il fait route avec nous. Les attaques sont nombreuses dans ces parages...
    Hugues s’interrompit et posa sa main sur l’épaule de Tancrède, lui désignant la côte à tribord.
    — Regardez Tancrède ! L’Afrique.
    Bien que voilés par une brume matinale, de lointains sommets montagneux se teintaient d’or.
    — C’est comme d’être sur le seuil de sa maison, murmura Tancrède d’une voix que l’émotion étranglait.
    — Oui, fit Hugues en observant la girouette qui indiquait un fort vent d’est.
    Au bout d’un moment, le détroit se resserra. Ils apercevaient les remparts d’un port.
    — D’un côté l’al-Andalus, contrôlé par les Almohades avec Tarifa. De l’autre, le Maghreb avec ses chefs berbères et arabes. Le vent est bon ! Le pilote de l’esnèque connaît la passe. Il y a ici de puissants courants de marée qui ne cessent de s’inverser.
    Tancrède entendait à peine les paroles de son maître. Il sentait le vent sur sa nuque, des embruns mouillaient son visage.
    — Vous souvenez-vous de nos longues discussions sur Hercule ? Ce héros grec qui, toute sa vie, a cherché à franchir les limites du monde ? Les Colonnes d’Hercule sont devant vous.
    Le jeune homme regarda l’énorme rocher que lui désignait son maître.
    — À bâbord, le mont Calpé des Grecs et, à tribord, du côté de l’Afrique, le promontoire d’Abyla. C’est ici qu’Hercule a séparé les deux continents. Ici aussi que passèrent Phéniciens et Carthaginois pour aller chercher l’or d’Afrique. Les Arabes ont appelé ce rocher Djebel Tarik.
    Le jeune homme était si tendu que les jointures de ses mains blanchissaient sur le bordage.
    — Nous passons la porte, Tancrède.
    Une bourrasque poussa d’un coup le navire vers la mer intérieure.
    — Il est temps aussi que vous sachiez quel est le nom de votre père.
    Le jeune homme, stupéfait, se tourna vers son maître.
    — Vous êtes le fils de Roger, duc de Pouilles.
    Tancrède retint son souffle.
    — Le duc était l’héritier préféré de Roger II de Sicile, le prince qui aurait dû lui succéder sur le trône à la place de Guillaume I er .
    — Je suis...
    — Vous êtes Tancrède d’Anaor. Votre père vous a légué des terres et un fortin planté sur un piton rocheux au coeur du Val di Noto. Votre mère, Anouche, y a vécu. Sa soeur y habite toujours.
    — Tancrède d’Anaor, répéta le jeune homme.
    — Il vous faudra apprendre tout ce que ce nom veut dire, murmura Hugues.
    Puis, il ajouta :
    — Je vous laisse. Il est bon que vous soyez seul pour pénétrer ici.
    Ses yeux brillaient et il disait cela comme on parle d’un temple. Il se retira si discrètement
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