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Les guerriers fauves

Les guerriers fauves

Titel: Les guerriers fauves
Autoren: Viviane Moore
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assis sur un coffre. Sa voix était toujours aussi lasse.
    — Je ne sais plus...
    Sa bouche s’était affaissée, son regard était terne, il avait des mouvements prudents, économes, de vieillard.
    « Il est déjà mort », songea Tancrède. Le gai compagnon avait disparu, l’homme qui lui parlait avec enthousiasme de la Sicile. Il se demanda comment il avait pu se lier avec lui. Pourquoi rien ne l’avait-il averti de sa véritable nature ? Giovanni aurait dû porter quelque stigmate. Une tache montrant à tous combien son âme était souillée.
    — C’est pas moi ! cria soudain le Lombard. C’est pas moi qui les ai tués, c’est LUI  !
    — Comment ça ? Qui, LUI  ? demanda Hugues qui n’avait pas quitté des yeux le marchand.
    — Lui. Mon père. Le patriarche : maître Délia Luna.
    L’homme tendit ses mains entravées vers Tancrède et supplia :
    — Détache-moi !
    Comme le jeune homme hésitait, il insista :
    — Où veux-tu que j’aille avec tous ces guerriers dehors qui ne demandent qu’à me tailler en pièces ?
    Après un signe affirmatif de son maître, Tancrède coupa les liens qui attachaient les poignets du Lombard.
    Une fois debout, celui-ci ôta son pourpoint, puis sa chainse, mettant son dos à nu avant de se tourner vers le brasero. À la lueur des flammes, les deux hommes aperçurent la boursouflure d’une ancienne cicatrice. Malgré les années se lisaient encore les trois lettres V R S.
    — J’avais huit ans quand mon père m’a gravé ça dans la chair avec un fer rouge !
    La voix du marchand était montée dans les aigus sur ces derniers mots. Il semblait revivre l’atroce scène. Ses yeux se révulsaient.
    — Devant mes frères et les serviteurs et esclaves de notre maison, IL a écrit : Vade rétro, satana ! Pour exorciser le diable que je portais en moi. Devant tous, j’ai dû jurer que jamais je ne recommencerais.
    « Mais tu as recommencé !
    La voix qui sortait soudain de la gorge du Lombard était éraillée comme celle d’un vieillard.
    Une expression sournoise se dessina sur ses traits. C’est d’un ton d’enfant plaintif qu’il se répondit à lui-même.
    — Nous ne faisions rien de mal ! On jouait.
    « Mensonge ! gronda la voix rauque. Vous étiez dans le même lit !
    «Tu l’as tué et mutilé sous mes yeux ! gémit Giovanni, des larmes affluant à ses paupières.
    « Pour que tu apprennes ! Mais cela n‘a servi à rien. Tu as recommencé, fit la voix sépulcrale.
    « Jamais ! gémit le marchand en tombant à genoux.
    « Tu mens !
    Comme cinglé par le cuir d’un fouet, le marchand s’était recroquevillé sur lui-même. Il hurla d’une voix qui n’avait plus rien d’humain :
    — Je les ai tous tués avant qu’ils me touchent et j’écrivais les lettres dans leur dos comme toi, afin qu’ils ne recommencent pas !
    Tancrède s’était reculé de quelques pas. La peur, le dégoût et la pitié s’affrontaient en lui depuis que la dramatique dualité du Lombard avait pris corps. Celui qui était son ami avait disparu, ses traits s’étaient distordus sous l’effet de la souffrance, cette inséparable alliée de la folie.
    — Il a perdu la raison, murmura-t-il, conscient de la banalité de ces mots en regard de la tragédie qui se jouait devant lui.
    — Depuis le jour où son père l’a marqué au fer rouge et a tué son jeune ami sous ses yeux, répondit Hugues. Il aura passé toutes ces années à répéter le châtiment qu’on lui a infligé.

55
    Quand ils sortirent de la tente après avoir, à nouveau, lié le prisonnier qui avait sombré dans un état d’hébétude profonde, un guerrier fauve les aborda.
    — Messire de Tarse !
    — Oui ?
    L’homme désigna l’esnèque échouée sur le sable d’où pendait une longue corde.
    — Notre chef exige qu’il soit attaché pour le reste de la nuit au dragon de la proue.
    — Bien. Du moment que ses pieds touchent terre. Tancrède et moi assurerons la garde.
    Le guerrier s’inclina :
    — Comme vous voudrez, messire.
    L’Oriental se tourna vers Tancrède :
    — Allez vous reposer un peu, je prends le premier tour.
    Tancrède avait l’impression qu’il venait à peine de s’allonger quand Hugues lui toucha l’épaule.
    — À vous ! Tout va bien.
    Le jeune homme sortit de la tente en s’étirant. L’air était glacé, la lune éclairait la mer. Giovanni était toujours attaché et, malgré l’inconfort de sa position, debout
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