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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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la reconnaissance et de l’amitié pour vous, Nissac. À y bien
réfléchir, puisque je vous dois la vie, je vous dois tout. Vous exposer au
danger me coûte…
    — Monsieur le Cardinal, à la guerre, le
danger est mon métayer.
    — Votre… métayer ?
    — Il me sert à la mesure des risques que
je prends. Il peut certes me vaincre, mais je le domine.
    Le cardinal reposa en souriant la pièce de
filet de mouton. Il souriait, l’air heureux et détendu.
    — J’aime vos paroles, votre ton !… Comme
vous jouez bien de votre vie. Jouez, vous avez bien entendu. Ici-bas, il n’y a
que deux sortes d’hommes : ceux qui vivent au jour le jour et ceux qui ont
un grand dessein théâtral pour cette petite chose rare et unique : notre
vie, et la représentation que nous en donnons.
    — Et vous attendez de moi, monsieur le
cardinal, que je sois un bon acteur qui ne se fasse point lapider dès la
première scène du premier acte ?
    — Vous dites fort bien la chose, cher
Nissac !
    — Mais quel est le sujet de la pièce ?
    — La Cour s’en va, sans doute au château
de Saint-Germain-en-Laye. J’ai ici des espions, c’est entendu. Mais la plupart
sont gens de peu, sans finesse et sans intelligence.
    Il réfléchit un instant et reprit :
    — Restez, Nissac. Soyez mes yeux, mes
oreilles et mon épée. Sabotez leur ambition, désarmez leurs projets, écrasez
leurs rêves de puissance.
    — Seul ?
    — J’espère bien que non !… Je sais
qu’on ne vous achète point, Nissac, mais pour survivre sur les arrières de l’ennemi,
en sa place forte, il faut de l’or, certes, mais autre chose encore : avez-vous
des amis à Paris ?
    — Au moins deux. Et un troisième, mais
celui-là est en ce moment aux armées.
    — Qui sont vos amis ?
    — L’un, le baron Melchior Le Clair de
Lafitte, est colonel à vos chevau-légers.
    — Je le connais. Continuez !
    — L’autre, je ne le puis nommer mais cet
homme inconnu vaut un régiment.
    — Je ne suis pas indiscret, Nissac. Poursuivez.
    — Le dernier est ce lieutenant Sébastien
de Frontignac que vous disiez un peu sorcier à notre première rencontre.
    — Bien, très bien, Nissac, deux
militaires et un inconnu… Je ne serai point indiscret. Mais il vous faut
davantage de monde. Je vous l’ai dit, vous aurez de gros moyens, mais aussi
tous pouvoirs tant que je serai en cette ville. Ah, il vous faut… Comment
dois-je vous le dire ?… Une bande ?… Oui, peut-être ainsi. Une troupe
modeste en nombre mais d’une très grande valeur. L’histoire a souvente fois été
faite par de petits groupes d’hommes résolus.
    — Or donc, monsieur le cardinal, vous
entendez que je reste en cette ville que vous ne tarderez pas à assiéger avec l’armée
royale ? Que j’y reste et que j’y nuise aux intérêts des Frondeurs du
parlement et aux seigneurs qui les appuient avec toujours plus d’évidence ?
    Le cardinal se leva brutalement et étendit ses
mains fines devant les flammes de la cheminée.
    Puis il se retourna avec lenteur.
    — Leur nuire ?… Non pas ! Vous
devez faire bien davantage ! Vous devez les faire échouer en toutes choses
et, si possible, les humilier grandement par votre audace.
    Il s’approcha et saisit en les siennes les
mains du comte de Nissac :
    — Ne m’abandonnez pas, Nissac !
    Il lâcha les mains de Nissac et revint vers la
cheminée en frissonnant :
    — La France, quel pays glacé !
    Puis, se retournant :
    — À ce point dramatique des événements, il
n’est plus de hasards mais la manifestation de la volonté divine. Vous êtes l’envoyé
de la Providence, Nissac. Allez au terme de la tâche que vous vous êtes
assignée le jour où vous avez sauvé ma pauvre vie. Vous agirez !… Vous ou
un des vôtres passera les barrages de Seine pour me rendre compte chaque
semaine afin que j’ajuste au mieux ma politique.
    Il hésita et ajouta :
    — Et ce n’est pas tout.
    Nissac eut un vague sourire.
    — Aurai-je donc le temps de faire autre
chose encore, monsieur le cardinal ?
    Mazarin frappa avec violence du poing sur la
table mais en parut aussitôt désolé :
    — Je n’aurais pas dû m’emporter, au reste,
ce n’était point contre vous. Je vous demande pardon, Nissac… Oui, il y a autre
chose. Ma police est incompétente. Les lieutenants civils, les commissaires… Il
n’est guère que le lieutenant criminel, Jérôme Galand, qui me soit fidèle et
qui soit homme de valeur.
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