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Meurtres dans le sanctuaire

Meurtres dans le sanctuaire

Titel: Meurtres dans le sanctuaire
Autoren: C.L. Grace
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    PROLOGUE
    Sorciers et chefs de guerre le proclamaient, c’était un temps de tueries. À croupetons dans leurs cellules humides, les moines scribes trempaient leurs plumes d’oie dans leurs encriers en corne afin de consigner la chronique de ces années, dressant la liste méthodique des meurtres, félonies, trahisons et morts sanglantes. Les bons religieux croyaient sincèrement que les portes de l’Enfer s’étaient ouvertes. Après tout, selon les rumeurs, la veille de la Toussaint, le nécromant John Marshall avait porté sept livres de cire et deux aunées de drap dans un manoir abandonné à l’extérieur de Maidstone. Là, il avait façonné de grossières poupées représentant le roi, sa reine et les grands seigneurs terriens. Marshall avait trempé ces figurines dans le sang, il les avait ensuite transpercées avec des aiguilles, avant de les faire brûler sur un feu ronflant. Non loin de Cantorbéry, au fond de la forêt de Blean, d’autres sorciers s’habillaient de peaux de bêtes, dépouilles dont ils avaient préservé les longues queues, et, le visage enduit de suie, ils imploraient la reine-sorcière Hérodias. D’après les chroniqueurs, certains magiciens offraient des sacrifices sanglants à la Reine de la Nuit, et sollicitaient l’aide des démons. On rapportait aussi des scènes étranges, comme ces légions de fées maléfiques que certains avaient vues voler durant les sombres veilles nocturnes, conduisant de silencieux convois de morts à des messes sacrilèges et à de noirs sabbats.
    Ces rumeurs s’étaient répandues jusque dans la cité de Cantorbéry. On avait arrêté près de Westgate un homme avec une tête de mort et un grimoire d’envoûtements. Hors des murs de la ville, une femme, meurtrière de son mari, avait été trouvée la bouche transpercée d’un bâton, et le crâne d’une pointe de fer ; pourtant, quand on l’enterra, sa chair frémissait encore. D’autres malheurs affluèrent quand au printemps succéda l’été. Le démon de la sueur survint : les victimes mouraient en quelques heures, que ce fût en dormant, éveillées, à jeun ou le ventre plein. Le mal commençait toujours par une souffrance à la tête, puis au coeur ; rien ne le guérissait. On avait essayé tous les remèdes, la corne de licorne, l’eau de dragon, la racine d’angélique. On offrait des prières, on apportait des reliques, on suppliait le Ciel, mais la Mort courait toujours dans les venelles et les rues fétides de Cantorbéry. Sa tête au crâne décharné grimaçait aux carreaux, ses doigts osseux frappaient aux portes ou tambourinaient aux croisées : elle était insatiable.
    L’été arriva enfin. Le mal de la sueur disparut, pas la violence ni la soif du sang. On rapportait des morts singulières, de mystérieuses fatalités parmi la foule de ceux qui venaient à Cantorbéry demander le secours du bienheureux Thomas Becket, dont le corps meurtri et le crâne fendu reposaient sous des plaques d’or devant le maître-autel de la cathédrale. Certes, les vivants ignoraient les morts, et les meurtres passèrent d’abord inaperçus. Après tout, c’était l’été. Les rues étaient sèches, l’herbe haute et grasse, l’eau, désaltérante et douce. C’était la saison des voyages, des visites aux amis. Les gens s’assemblaient dans leurs vergers pour déguster du vin frais ou vider des tonneaux de la bière qu’ils avaient brassée durant les mois d’hiver. Ils discutaient des prophéties sanglantes, des revers de leurs chefs, et surtout de la terrible guerre civile qui faisait rage entre la maison d’York et celle de Lancastre.
    À l’ouest, la Reine-Louve, Marguerite d’Anjou, complotait avec ses généraux afin de s’emparer du trône pour son sot de mari, le roi Henri VI, et leur fils, le blond Édouard. Les ennemis de la reine, pour se moquer, assuraient que son époux, trop pieux, n’aurait su ni pu engendrer un héritier, et que le jeune prince était le fruit de la secrète passion de la Louve pour Beaufort, duc de Somerset. À Londres, Édouard d’York, son épouse aux blancs cheveux, Élisabeth Woodville, ainsi que ses frères Clarence et Gloucester, réunis à Westminster dans la chambre secrète du roi, imaginaient des plans et ruses pour contrer l’avancée de la Louve. Trois fois par jour, ils assistaient à la messe, chantaient matines et vêpres, sans jamais cesser de comploter pour la perte de Marguerite, de son époux, et
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