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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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bien, donc au mal ; à Dieu,
donc au diable. Mais jamais les œuvres du Malin ne s’étaient présentées à ses
yeux effarés avec une telle netteté.
    « Pourquoi commettre de telles infamies ? »
se demanda-t-il. Et, plus fin que les villageois, il se posa une autre question :
« Et pourquoi l’exposer dans un luxueux cercueil de verre qu’on croirait
plutôt réservé à quelque princesse défunte ? Faut-il qu’il l’eût aimée ?
À moins que la besogne ne lui ait procuré un plaisir rare, puisqu’il offre à sa
victime un réceptacle à la hauteur de son émotion. Alors ce n’était pas la
victime mais son propre désir qu’il honorait aussi richement. »
    Le vieux prêtre regarda à nouveau le corps
mutilé à l’abri de ses parois de verre.
    Une grande tristesse lui vint. Et une profonde
compassion pour la pauvre victime dont il pressentait qu’on l’avait laissée
vivre tout au long de son supplice. Et quel supplice : à la lancette ou au
stylet, on l’avait littéralement écorchée vive.
    Brutalement, le curé fut écarté.
    Des pierres furent lancées. Sous un pavé, le
cercueil de verre explosa et une pauvre carcasse gelée, toute raide et
martyrisée, s’abattit sur les marches de l’église, rebondissant avant de se
figer, face contre terre, le dos meurtri exposé au vent glacé.
    Le vieux prêtre voulut protester tandis que
fagots et poix, bûches de chauffage et résine recouvraient hâtivement le
cadavre.
    Un inconnu, peut-être un paysan d’un village
voisin, se révéla comme meneur en hurlant :
    — Brûlons la maudite charogne !… C’est
le diable qui nous l’envoie pour répandre la Peste Noire !
    On approcha une torche et, bientôt, le feu
prit, salué par des cantiques où le latin se trouvait malmené par l’assemblée
paysanne, détail qui d’ordinaire attendrissait l’ecclésiastique.
    En ce jour maudit, le plus sombre de l’histoire
de cette très ancienne et très pieuse paroisse, le vieux curé regarda le corps
qui se redressait à demi en brûlant et songea que les preuves, si elles
existaient, s’envolaient avec cette épaisse fumée.

5
    —  Place !… Service
du cardinal !… Place !…
    Le très élégant marquis Jehan d’Almaric, flanqué
d’une dizaine de chevau-légers, s’ouvrait la route l’épée à la main et la foule,
impressionnée, s’écartait en toute hâte.
    Parfois en maugréant.
    Loup de Pomonne, comte de Nissac, se faisait
discret, sa nature étant rétive à ce genre de démonstration ostentatoire. Homme
de guerre, de sang et de froid, il n’entendait rien aux usages des villes, aux
hiérarchies fondées sur autre chose que la bravoure, l’honneur ou l’intelligence
– survivre au milieu des combats en est une des manifestations –, toutes
valeurs qu’il chérissait avec une égale ardeur.
    Mais lui demandait-on son avis, alors qu’on l’était
allé chercher en pleine bataille, face aux Espagnols, à l’instant où une fois
encore, une fois de plus, il avait placé son artillerie avec une intelligence
qui fascinait tout autant son chef, le prince de Condé, que son adversaire, le
comte de Fuensaldana, Gouverneur général des Pays-Bas occupés par les armées de
la sainte Espagne et qui eût volontiers invité à sa table ce général aussi
talentueux que discret.
    Entré en la capitale par la porte Saint-Denis,
au large de l’ancienne maladrerie de Saint-Lazare, la petite troupe arriva
rapidement au Palais-Royal, qu’elle contourna par la rue Neuve-Saint-Honoré.
    Un vent glacé balayait les dernières feuilles
de l’automne au pied des arbres dénudés.
    À peine descendu de cheval, Nissac fut pris en
main par un homme au visage impénétrable mais au regard rusé, qui ne semblait
ni valet ni gentilhomme, à moins qu’il ne fût les deux à la fois.
    Le comte de Nissac, un peu perdu, suivit son
guide à travers une série d’escaliers et de couloirs puis, devant une porte où
stationnaient deux hommes de haute stature, son guide le fit attendre tandis
que lui-même pénétrait à l’intérieur.
    À la grande surprise de Nissac, ce fut Mazarin
qui, un instant plus tard, vint lui ouvrir la porte.
    Le cardinal observa un instant le jeune
général puis le regard de l’homme d’État sombra vers une tendresse presque
féminine et Nissac, saisi aux épaules par deux mains nerveuses, se sentit
embrassé sur chaque joue avant d’être un instant pressé contre l’habit pourpre
du Premier ministre qui
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