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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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répéta :
    — Nissac !… Ah, Nissac !… Mon
cher Nissac !…
    À peine libéré de cette étreinte, le comte eut
quelque embarras à dissimuler sa gêne :
    — Votre Éminence, je…
    Il fut aussitôt interrompu :
    — Il n’y a pas de « Votre Éminence »
pour vous. À la Cour si vous y tenez, mais pas entre nous. Certainement pas !…
Sans votre intervention, où vous avez risqué votre vie avec belle témérité, que
serais-je aujourd’hui ?… Une charogne mangée par les vers et sur la tombe
de laquelle viendraient pisser les ducs de Beaufort, Luynes, Brissac, Bouillon,
La Rochefoucauld… Les seigneurs de Fontrailles, Montrésor, Saint-Ibald et
quelques milliers d’autres avec eux. Alors pas d’Éminence !
    — Mais comment dois-je vous nommer, Votre
Éminence ?
    Le cardinal caressa sa moustache, songeur et
vaguement amusé, puis il prit sa décision :
    — Soyons simples, car nous sommes appelés,
je l’espère, à nous revoir souvent. Disons… « Cardinal » ?…
    — Comme il vous plaira, monsieur le
cardinal.
    Le cardinal, satisfait, s’effaça et fit entrer
le comte dans une pièce aux dimensions modestes. Un feu de grosses bûches
brûlait en la cheminée et une table à deux couverts était dressée à proximité.
    Le cardinal eut un geste d’invite :
    — La pièce est petite mais vite chauffée,
c’est là son avantage. Nous allons prendre une légère collation.
    — Mais… Votre… Cardinal… Le voyage fut
fort long et je suis couvert de poussière.
    — Ça ne me dérange pas.
    Puis, se reprenant brusquement :
    — Ah, on m’a dit cela, Nissac, qui est
bien étrange : vous vous laveriez tous les jours, même l’hiver, avec force
seaux d’eau ? C’est là chose bien dangereuse et singulière !
    Il adressa discrètement un signe à un des
valets.
    Nissac, ne sachant trop que dire, expliqua :
    — Ainsi ai-je été élevé. Mes ancêtres
marins détestaient la vermine qui infecte la marine royale. L’eau, si elle est
de grande pureté, tue les miasmes.
    On apporta un baquet d’eau chaude. Le comte s’y
lava le visage et les mains, puis il passa à table où l’attendait le Premier
ministre sans marquer d’impatience.
    Le cardinal Mazarin
savait recevoir et, si l’on estimait les repas de fête à l’aune de cette « légère
collation », il devait y avoir matière à nourrir tout un corps d’armée.
    Après un potage à la bisque de pigeons relevé
de pointes d’asperges, on attaqua une croupe de veau garnie de côtelettes, des
fricandeaux farcis, un cochon de lait, des fromages de Fleury et de Brie puis
une tarte aux pommes. Le tout arrosé d’un excellent vin de Graves.
    Pendant le repas, le cardinal avait axé la
conversation sur la guerre et pris grand plaisir à écouter les théories
nouvelles de Nissac qui préconisait de fortes concentrations d’artillerie
dotées d’une grande mobilité, ainsi qu’il l’avait expérimenté lors de l’éclatante
victoire de Lens.
    Après avoir repoussé son assiette, Mazarin
lança :
    — J’aime ceux qui réfléchissent sur leur
métier. Ceux-là seuls font avancer le monde. Quant à votre idée, elle est de
grande séduction : rassembler tous nos canons, ouvrir le feu et déplacer
les pièces là où la bataille nous appelle. Je vous offrirai un jour les moyens
de vérifier tout cela contre les Espagnols… ou d’autres, des Français, hélas.
    Il ménagea un court silence et reprit :
    — Oui, l’heure n’est point venue. Il est,
en le royaume, des choses plus urgentes que la guerre qui pourtant est grande
horreur.
    Puis, se penchant vers Nissac, il ajouta :
    — Nissac, les choses vont de plus en plus
mal. Depuis les événements de l’été, on se demande s’il existe encore un
royaume de France.
    — Cela est donc si grave ?
    Le cardinal avait baissé la voix.
    — La reine et le dauphin ne sont plus en
sécurité. Il va nous falloir quitter Paris dès les premiers jours de janvier. Avec
ceux qui, à la Cour, nous sont encore fidèles, c’est-à-dire ceux qui n’ont pas
encore jugé le moment venu de nous trahir. Je ne parle pas pour vous, Nissac.
    — Monsieur le cardinal, je suis un soldat,
j’arrive de la guerre. Que pourrais-je faire ?
    Le Premier ministre saisit avec les doigts un
filet de mouton aux morilles figé en sa sauce et qui avait été dédaigné, puis
il répondit avec gravité :
    — Mon cœur se trouve au plus profond d’un
dilemme. J’ai de
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