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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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plus vomir en exécutant « la commande ».
    C’était cher payé, car définitif, comme toutes
les mutilations mais la contrepartie, d’importance, le rassurait : jamais,
jamais plus, ses six enfants n’auraient faim ou froid. Mieux, ils deviendraient
des partis épousables.
    Certes, quelquefois, au milieu de la nuit, il
se réveillait en sursaut, le front inondé de sueur au souvenir de la manière
dont on lui avait arraché la langue, achevant l’opération au fer rouge.
    Avec son consentement.
    Ne pouvant plus parler, ne sachant pas écrire,
c’était la certitude, pour ses impitoyables bailleurs, qu’il emporterait son
terrible secret dans la tombe.
    L’ignoble besogne le terrorisait encore, mais
moins qu’au début. Au reste, en six mois, c’était la cinquième fois déjà.
    Le maître verrier travaillait avec soin, le
visage éclairé par les lueurs rougeâtres du four, les doigts brûlés, des
cristaux de sable blanc très fins incrustés sous les ongles.
    Deux hommes de belle stature, qui lui
semblaient des officiers en civil, apportèrent le brancard et, suivant les
consignes strictes et précises que le maître verrier donnait par gestes, ils
déposèrent le corps entre deux parois de verre.
    Aussitôt, l’artisan procéda à la pose du
couvercle, opération délicate qui lui demanda près de deux heures.
    Enfin, il leva un regard satisfait sur les
deux hommes qui attendaient, imperturbables.
    S’essuyant le front d’un revers de main, il
fit une série de signes signifiant que le travail était achevé et qu’on pouvait
l’emporter.
    Les deux officiers, ceux-là mêmes qui
servaient de gardes du corps au masque d’argent, échangèrent un regard et le
maître verrier, qui crut y voir un fugitif accablement, prit soin de baisser
les yeux afin de ne point manifester un quelconque sentiment.
    Il eût aimé, cependant, qu’on lui rendît sa
langue quelques instants. Des questions lui venaient mais, il ne l’ignorait pas,
elles seraient de toute façon restées sans réponse.
    Chacun des hommes saisit une extrémité du
cercueil de verre et, un flambeau à la main, le maître verrier les précéda pour
leur ouvrir la porte de l’atelier.
    Il faisait froid.
    La nuit, venteuse et noire, n’inspirait pas
confiance.
    Le chariot aux parois de grosse toile
attendait, son plancher recouvert de plusieurs épaisseurs d’étoffe destinées à
amortir les chaos du chemin.
    À l’instant où le cercueil de verre passait
devant le maître verrier, les lueurs du foyer conjuguées à celles du flambeau
lancèrent comme un rayon doré et l’homme jeta un dernier regard à la
malheureuse créature qui y reposait.
    Il n’en restait, intacte, que la belle
chevelure d’un blond vénitien et un triangle de poils pubiens. Aucun élément ne
permettait d’attribuer un âge à ces pauvres restes mais le maître verrier
devinait d’instinct une toute jeune fille, comme celles qui l’avaient précédée.
    Le cercueil déposé en le chariot avec mille
précautions, un des hommes prit les rênes tandis que l’autre le précédait à
cheval, l’épée à la main, tenant serrées des brides étrangement écarlates.
    La sinistre procession allait à petite allure,
le chariot étant attelé à deux forts chevaux hongres sans nervosité.
    Bientôt, au détour d’un bouquet de saules, le
chemin fut désert et l’homme à la langue arrachée resta seul devant la porte de
son atelier clandestin.
    Il respira profondément l’air de la nuit, soupira,
et regagna l’intérieur où le foyer dispensait une bonne chaleur.
    Non sans dégoût, il vida la bourse ventrue
laissée par un des deux hommes et compta lentement les pièces d’or.
    Elles apportaient tant de solutions à des
problèmes qu’il considérait voilà si peu de temps encore comme insurmontables. Même
si dans cette affaire il perdait son âme et, accessoirement, toute illusion sur
la nature humaine.
    Pensif, il observa les lueurs du four. Son
regard y demeura longtemps fixé, tant il était effrayé à l’idée des flammes de
l’enfer dans lesquelles il s’imaginait brûler pour l’éternité.
    Enfin, par un effort de volonté, il s’ébroua.
    Pourquoi vouloir comprendre ? C’était là
l’œuvre de Satan, son nouveau maître, et la pensée perverse du démon ne peut
être accessible à un pauvre artisan.
    D’une main tremblante, il se servit un pichet de
vin blanc, puis un autre, un autre encore.
    Il savait que, après cette soirée
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