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Les champs de bataille

Les champs de bataille

Titel: Les champs de bataille
Autoren: Dan Franck
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l’argent à foison alors que Londres parachutait au compte-gouttes…
    — Les Américains, c’était surtout Giraud ! s’emporte le juge. Et derrière Giraud, c’était la Cagoule, l’anéantissement de Jean Moulin et de la promesse démocratique. La démocrassouille, comme l’appelait votre ami ! »
    Hardy, très maître de lui, dévisage le magistrat par en dessous, comme s’il attendait la fin de la partie, comme s’il lui fallait montrer et démontrer que les errements de Barrès ne le concernent pas.
    « Vous étiez son ami, insiste le juge. Probablement son plus fidèle allié dans le mouvement.
    — Et alors ? fait Hardy avec dédain.
    — Vous n’étiez pas d’accord avec ses idées ?
    — Nous avons déjà parlé de cela, et vous connaissez la réponse. »
    Le juge acquiesce, hochant longuement la tête. Ainsi se calme-t-il. Ainsi renoue-t-il avec le fil de l’interrogatoire. Il connaît en effet la réponse, et il a commis une faute en provoquant ce développement inutile.
    « Je vais être clair, reprend Hardy. Moulin était cryptocommuniste. Ses deux principauxcollaborateurs étaient communistes. Il voulait réunifier la Résistance sous la bannière des communistes. Cela ne nous convenait pas.
    — Rien n’est plus faux, objecte le juge.
    — Max était du côté de Staline.
    — Avant la guerre, peut-être. Parce qu’il pensait qu’une alliance avec l’Union soviétique était la seule manière de vaincre les nazis. Pendant, non. »
    Dans un soupir, le juge ajoute :
    « Inutile de parler de l’après.
    — Il leur aurait donné la main.
    — Cette conversation est stérile, coupe le juge. Max a soutenu le général de Gaulle, bien qu’il soit un militaire de droite et bien qu’il ait douté de ses convictions démocratiques, parce que c’était la guerre et qu’il fallait s’unir…
    — … Et de Gaulle s’est appuyé sur un ancien préfet de gauche pour rallier les communistes et les socialistes.
    — Sans doute, admet le juge. Mais le premier souci de Jean Moulin, c’était d’unir les mouvements. Il n’a jamais oublié que la République espagnole avait été battue parce qu’elle était divisée.
    — Toujours la guerre d’Espagne, maugrée l’inculpé.
    — C’est peut-être le point de départ du dossier », réplique le juge.
    Il en restera aux faits. Ceux-ci sont comme des balises sur la route qu’il trace pour arriver sans erreur à la destination programmée. Il décide de ne plus se laisser distraire par d’autres considérations que celles liées aux stricts événements.
    « Revenons quelques jours en arrière. Lorsque Barbie vous relâche. »
    Il vérifie les dates dans ses notes avant de poursuivre :
    « Nous sommes le 11 juin au matin. Peut-être un peu plus tard. Vous errez dans Lyon, seul. Vous êtes sale, pas rasé, comme si vous sortiez d’une nuit blanche. Qui rencontrez-vous ? »
    Hardy a enfin compris où le juge veut en venir. Il le fixe, le regard immobile. Il ne dit rien. Les années passant, il a tellement menti sur ce point précis et décisif de l’instruction qu’il ne sait sans doute plus quelle version choisir, comment résoudre les contradictions nées de ses témoignages précédents, lequel fut le dernier, quelle ligne il décide d’adopter cette fois. Et, face aux traits butés de son interlocuteur, le juge comprend qu’il n’obtiendra rien de lui, qu’il lui faut manœuvrer seul.
    « Vous rencontrez Barrès. »
    Hardy demeure sans réaction.
    « Il vous demande ce qui vous est arrivé. »
    Le silence, toujours.
    « Vous entrez dans une douche municipale près de l’église d’Ainay. »
    Le juge s’interrompt, laissant le greffier introduire une nouvelle feuille dans le rouleau de sa machine.
    « Que lui avez-vous dit sous la douche ? »
    Hardy secoue la tête :
    « Je ne répondrai pas à ces questions.
    — Vous craignez de trahir une amitié ?
    — Je vous le redis : je ne répondrai pas.
    — Alors je le ferai pour vous. »
    Le juge se lève, ouvre l’armoire et dépose sur la table plusieurs livres, des lettres, des documents : l’ensemble de ses sources. Il les ordonne soigneusement et s’empare d’un premier dossier.
    « D’abord, Barrès a affirmé – comme vous-même – qu’il ignorait votre arrestation à la gare de Chalon. Sous la douche, vous n’auriez parlé de rien. »
    Le juge tourne les pages du dossier, cherchant un élément qui lui manque. Comme
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