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Les champs de bataille

Les champs de bataille

Titel: Les champs de bataille
Autoren: Dan Franck
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dedans, dehors. Quelques jours auparavant, à Paris,boulevard Malesherbes, il a rencontré Barrès. L’entretien a été terriblement violent. Ils auraient pu en venir aux mains. La guerre intérieure a commencé. Comment s’achèvera-t-elle ? Qui l’emportera ? Lorsqu’il est rentré chez lui, après cette rencontre houleuse, Max a acheté une place au guichet du cinéma du boulevard Voltaire, s’est glissé dans la salle puis, deux minutes après l’ouverture des actualités, il a prétexté un besoin pressant pour déranger ses voisins, s’est hâté vers la cour du cinéma où se trouvent les toilettes ainsi que la double entrée de sa planque. Il s’y est réfugié, très inquiet, puis il a préféré dormir à Saint-Mandé, dans une cachette secondaire, et il a quitté le n° 179 du boulevard Voltaire par une autre issue donnant sur la rue des Boulets.
    Le juge s’endort sur ce parcours géographique.
    Il s’éveille à six heures. Voici venu le dernier jour. Max se lève. Il se rase soigneusement au-dessus du lavabo. Il prend une douche rapide. Dans la cuisine, il vide l’armoire métallique des dossiers, papiers, livres qu’elle contient, les enfourne dans le poêle, craque une allumette et y met le feu. Il ouvre la fenêtre en grand pour chasser cette odeur de propreté sale qui désormais lui répugne, s’assied un court instantdevant le cahier dont il a noirci toutes les pages et, sur la couverture, inscrit quelques mots : Les champs de bataille.
    Il cire soigneusement ses souliers, habitude prise lorsqu’il était chef de cabinet du ministre de l’Air pendant la guerre d’Espagne. Cette activité l’apaise. Il y a consacré de longues minutes le jour de l’arrivée des Allemands à Chartres, trois ans auparavant, et aujourd’hui de même, alors que se profile une réunion à peine préparée, dans une maison inconnue, sur les hauteurs de Lyon.
    Cela fait, il revêt un costume gris, l’écharpe de laine et le chapeau mou achetés l’avant-veille dans la grande surface où il fait ses courses habituellement. Il tient, ce jour-là, à revêtir une tenue légendaire, celle de la photo qu’il fit faire à Montpellier, en 1939, pour l’offrir à sa mère. Contrairement à la croyance commune, il n’existe aucun autre cliché de lui datant de la guerre.
    Il quitte son meublé. Il longe les couloirs encaustiqués, jusqu’à l’escalier qu’il descend rapidement. Près des poubelles, il croise le gardien qui lui jette un regard noir. Il lui lance un « Bonjour Mme Labonne ! » faussement enjoué, ne s’attarde pas pour éviter les questions, passe devant la haute tour qui se vide du flot de ses habitants.
    Il a plusieurs rendez-vous ce matin-là. A dix heures, sur un banc du boulevard Voltaire, il retrouve Thomas. Ils parlent d’une opération de parachutage avant d’en venir à la réunion où ils se retrouveront en début d’après-midi. Thomas « oublie » de dire à Max que Hardy sera présent. Lorsqu’ils se séparent, Max suit le boulevard en direction de la place Léon-Blum. Il marche le long des vitrines, s’arrêtant parfois pour vérifier dans le reflet des glaces que personne ne le suit. Il passe devant des panonceaux électoraux recouverts de graffitis, des colonnes Morris qu’il contourne. D’autres rendez-vous l’attendent sur les quais du Rhône, mais il a un peu d’avance et il décide de s’y rendre à pied. A la hauteur de la rue Bouvier, dans le rétroviseur d’un deux-roues étrangement amarré là, il remarque une silhouette qui lui fait songer à Moog, agent K30 de la Gestapo. Même âge, même démarche, même manière de progresser sur le trottoir mine de rien. Max presse légèrement le pas. Un filet tiède lui glisse le long du cou. Il desserre le nœud de son cache-nez tout en surveillant les voitures roulant sur le boulevard. Il ne repère aucune Citroën. Mais deux fourgons de mauvais augure stationnent à l’angle de la rue de Charonne. Les sens en alerte, Max avance dans leur direction. Il neregarde pas derrière lui afin de ne pas alerter Moog. Il lui reste cent mètres à parcourir. Les fourgons sont immobiles. Il marche de plus en plus vite. Il songe avec angoisse que si le bistrot dont il aperçoit le panonceau lumineux un peu plus loin est fermé, il n’aura d’autre alternative que de se laisser prendre. Par Moog et ses Allemands, par Raymond Richard et ses Français.
    A dix mètres du bistrot, il s’élance. Il oblique au
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