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Les champs de bataille

Les champs de bataille

Titel: Les champs de bataille
Autoren: Dan Franck
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il ne le trouve pas, il ouvre un livre, le repose, en prend un autre. Puis, face à un interlocuteur mutique, il dit qu’il en restera tout d’abord auxgénéralités. Il avancera plus tard les pièces relatives aux dates, aux dépositions et aux témoignages, les annexant à la procédure en pièces jointes. Hardy acquiesce silencieusement.
    « Ensuite, Barrès a admis que vous lui aviez rapporté votre fuite en lui cachant votre arrestation. La ligne de défense qui fut la vôtre jusqu’à la découverte du bordereau établi par le contrôleur des chemins de fer prouvant que vous avez été arrêté à la gare de Chalon. »
    S’accordant avec le principe défini par lui-même à l’origine de son travail de reconstitution, le juge survole les années, arrimant à son instruction fantôme des faits et des témoignages – oraux et écrits – dispersés dans le temps.
    « Il est établi aujourd’hui de façon incontestable que Barrès connaissait par vous-même et dans le détail les circonstances de votre arrestation par Klaus Barbie dans la nuit du 7 au 8 juin 1943. Non seulement lui, mais aussi les dirigeants de votre mouvement qui se trouvaient à Londres pour obtenir le renvoi de Jean Moulin. Qu’avez-vous à dire à cela ?
    — Rien, répond Hardy sur un ton monocorde. Ça les regarde. Pas moi.
    — Après des années de dénégation, Barrès a reconnu ce fait, puis il l’a nié, comprenant bien où l’aveu le conduisait. »
    Parmi les dossiers alignés devant lui, le juge en choisit un portant l’inscription Lettre de R.H., 1 er  mars 1984. Il ne contient qu’un document. Il le prend, le parcourt du regard, le tend à son interlocuteur qui le refuse d’un mouvement rapide de la main.
    « Vous savez de quoi il s’agit ?
    — Evidemment.
    — Vous reconnaissez votre signature ?
    — Oui.
    — Vous ne contestez pas cette correspondance ?
    — Elle est signée de ma main.
    — C’est un aveu. »
    Le 1 er  mars 1984, quelques jours avant l’ouverture du procès de Klaus Barbie devant la cour d’assises du Rhône, René Hardy envoyait à son éditeur la lettre dont le juge lit deux extraits pour que le greffier les dactylographie. Il lit lentement, avec gravité.
    «  Le 11 juin au matin, j’ai effectivement rencontré Pierre Guillain de Bénouville. Je lui ai appris deux faits : l’arrestation du général Vidal-Delestraint ; ma propre arrestation. Les deux événements étant liés, le pacte de silence que nous conclûmes, Bénouville et moi, avait pour objet de découvrir comment ils avaient pu se produire.  »
    Lorsque le greffier relève la tête de son clavier, attendant la suite, le juge poursuit :
    «  Je me suis tu quatre décennies durant, tenu par ce silence scellé avec Bénouville, en sachant pertinemment que si je venais à le violer, c’est la Résistance tout entière qui en pâtirait.  »
    Le silence tombe, solennel, dans le cabinet d’instruction. Le juge quitte son siège et s’assied au bord de la table, face à l’ombre de l’inculpé. Il demande :
    « Dites-moi, René Hardy, pourquoi avez-vous gardé le silence si longtemps, et pourquoi Barrès a-t-il toujours nié vous avoir envoyé à la réunion de Caluire ? »
    Hardy prononce quelques mots inaudibles. Mais le juge connaît la réponse depuis toujours, par les pièces étudiées, le témoignage de Ravanel, quelques autres qui ne figurent pas dans le dossier d’instruction. Il dit :
    « Sachant que vous aviez été arrêté par les Allemands, le devoir de Barrès était de vous exfiltrer ou de vous faire juger. Non seulement il ne l’a pas fait, mais il a contrevenu à deux règles élémentaires de la Résistance en général et de votre mouvement en particulier. »
    Il consulte un papier et lit :
    «  Interdiction formelle d’amener une tierce personne quelle qu’elle soit à un rendez-vouspris avec un autre… Ne pas permettre qu’une personne non convoquée soit informée du rendez-vous que vous avez pu prendre… Or, non seulement Max ignorait que vous seriez présent, mais s’il l’avait su, il vous aurait interdit l’entrée de la maison du docteur. Comme je vous l’ai dit, il se méfiait de vous. »
    Le juge marque un bref silence et poursuit :
    « La troisième règle, c’est que toute personne susceptible d’avoir été en contact avec l’ennemi devait être isolée. Exfiltrée, jugée, voire condamnée. Or, loin d’agir en ce sens, Barrès vous envoie à
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