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L'envol du faucon

L'envol du faucon

Titel: L'envol du faucon
Autoren: Axel Aylwen
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tuiles bleues et mauves des maisons, l'or étincelant des flèches et le bleu infini des cieux. Ce n'était pas pour rien que le spectacle avait inspiré aux premiers voyageurs portugais un respect mêlé de crainte. Ils avaient appelé cette ville sillonnée par un dédale de canaux « la Venise de l'Orient ».
    Le garde escortant Tachard lui fit gravir une volée de larges marches conduisant à deux grands vantaux de bois ouverts, incrustés de nacre, qui formaient une porte centrale. L'appréhension s'empara de lui lorsque le garde, s'inclinant bien bas, lui fit signe d'entrer. Comment Phaulkon allait-il réagir aux propositions françaises ? Ne verrait-il pas qu'elles n'étaient que des menaces très peu déguisées ? Sur le seuil, deux serviteurs également prosternés l'attendaient et le conduisirent obséquieusement vers une antichambre dont le sol était recouvert d'épais tapis persans. Tachard regarda autour de lui. Il découvrit, contre les murs de la pièce, une collection rare de cabinets de laque, certains noirs, certains dorés, d'autres décorés de motifs animaliers. Première période d'Ayuthia, probablement XIV e siècle, nota-t-il. Les serviteurs se prosternèrent en silence dans les encoignures du fond de la salle tandis que Tachard s'enfonça dans des coussins et attendit, l'esprit uniquement occupé par Phaulkon.
    Il éprouvait une gêne certaine à la perspective d'avoir à dissimuler le fait qu'au lieu des cinquante soldats demandés par Phaulkon comme gardes du corps de Sa Majesté, deux navires de guerre français, plus quatre frégates, avec à leur bord cinq cents soldats sous les ordres d'un maréchal de France, avaient jeté l'ancre de l'autre côté de la barre. Pour la phase initiale du plan français, il était essentiel d'obtenir la permission de débarquer.
    Pour la première fois aussi, confronté à la réalité du moment, Tachard se mit à se demander à qui allait l'allégeance de Phaulkon. Et s'il était vraiment un mandarin du Siam dans son âme comme par son rang ? Le prêtre jeta un coup d'œil autour de lui. Tout dans la pièce semblait l'indiquer : c'était à n'en pas douter la maison d'un dignitaire siamois. En plus des bois gravés hors de prix et des tapis persans, de somptueuses tapisseries birmanes étaient accrochées aux murs, de délicats paravents de soie chinoise et des vases Ming ornaient tous les recoins.
    Tachard se rappela que quelques jésuites — certes une minorité — avaient à l'époque émis des doutes sur la sincérité de l'abandon par Phaulkon de la foi protestante de ses maîtres anglais. Pourrait-il s'être converti au catholicisme simplement pour satisfaire aux exigences de son épouse luso-japonaise, très croyante, ou pour promouvoir sa propre carrière ? Quand il avait attiré l'attention de Louis XIV sur ses convictions catholiques à toute épreuve, avait-il essayé de gagner la confiance du souverain français et de le prédisposer en sa faveur ? Si telle avait été son intention, le stratagème avait certainement marché. Tachard était au courant des honneurs considérables que La Loubère était chargé de décerner à Phaulkon au nom de la France — incitation supplémentaire à coopérer, bien sûr. Des récompenses aussi convoitées que l'ordre de Saint-Michel n'étaient pas données à la légère et seulement à ceux qui avaient rendu de grands services à la couronne. Aux yeux de Sa Majesté, Phaulkon était de toute évidence l'élément décisif pour mener à bien ses plans concernant le Siam.
    L'importance que désormais son rôle avait prise rendait Tachard nerveux. Dans quelle mesure pourrait-il influer sur le cours des événements ? Les idées de Phaulkon avaient-elles changé pendant ces cinq dernières années ? Etait-il capable ou même désireux de faire adopter au roi Narai le point de vue français ? Il frémit à l'idée du bain de sang qui pourrait s'ensuivre si tel n'était pas le cas.
    Il leva les yeux, entendant des pas dans le couloir, et fit un effort pour s'obliger à rester calme. Peut-être s'inquiétait-il à tort. L'homme n'était-il pas, tout compte fait, le Barcalon du Siam, et cet environnement oriental un simple signe extérieur de sa position ?
    Deux esclaves, presque pliés en deux, apparurent dans l'embrasure de la porte, l'un portant la boîte à bétel incrustée de diamants de son maître — un présent de Sa Majesté le roi Narai — et l'autre son épée de cérémonie dont le fourreau
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