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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan
Autoren: Arnaud Delalande
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de personnes s’étaient entretuées, sans même le savoir, pour
les reliques d’un brigand ! Les cathares, croyant en leur Christ adombré
et pur Esprit, avaient conservé en secret une preuve hypothétique, aussi
inquiétante pour eux que pour l’Église catholique !… Et Rome, de son côté,
avait refusé de voir balayée la foi en la Résurrection, même si le prix en
était l’Inquisition ! Tout cela, ces brasiers et ces amoncellements de
chair, pour les restes d’un réprouvé. Un malentendu. Et lui, Escartille,
avait abandonné les siens, pour sauver les « reliques » d’un voleur, enterré
sous le signe du chien ! Inlassablement, les épisodes de cette tragique
épopée défilaient devant ses yeux. Loba la Louve gisait égorgée à ses
pieds, dans une mare de sang. Charles de Montesquiou s’effondrait sous ses yeux,
la poitrine transpercée. Léonie des Trencavel murmurait à son oreille qu’elle l’aimait,
avant de rendre l’âme. Inès la servante était décapitée, les membres
désarticulés. Aude de Lavelanet hurlait dans les flammes, sur la place
toulousaine. Aimery et Héloïse tournaient dans le ciel avec Amor, le
faucon emmenant avec lui les âmes brûlées. Toute sa vie, toutes leurs vies se
relisaient maintenant à l’aune de cette découverte – et il ne restait que ce
goût de cendre, de nouveau Calvaire.
    Le troisième larron du Golgotha.
    Mais cela, Escartille ne l’inscrirait pas dans
son Livre de Vie.
    Il se décida à enterrer les reliques au milieu
de sa colère et de ses sanglots.
    Ce n’est pas Lui.
    De chair ou d’Esprit, le Christ était
vivant !
    La terre engloutit le crâne sacrilège.
    Le secret demeurerait jusqu’à la fin des temps.
    Et
lui, Escartille de Puivert, en serait le seul dépositaire.
    Alors, lentement, le flambeau s’éteignit.
Bientôt, il n’y eut plus qu’une toute petite flamme, puis un simple bourgeon
incandescent. Escartille et Pierre disparaissaient dans l’ombre. La flamme s’éteignit
enfin, une volute légère montant vers les voûtes de la caverne.
    Ce n’est pas Lui.
    Lorsque le silence et l’obscurité furent
tombés tout à fait, Escartille se leva. Pierre s’était assoupi. Il sortit de sa
somnolence et le regarda de nouveau de ses grands yeux, qui brillaient dans l’ombre. Que deviendrai-je ? semblait-il lui demander. Escartille crut y
reconnaître une expression familière, qui lui rappelait à la fois Aimery et
Héloïse. Il pleura encore, prit une inspiration profonde et se décida à sortir
de la caverne, l’enfant dans les bras. Il monta péniblement sur son cheval, logeant
Pierre contre son ventre, comme autrefois son propre fils.
    Devant lui, un sentier poussiéreux allait se
perdre dans les vallées, les collines, les montagnes occitanes. Escartille le
distinguait à peine. Les premières étoiles faisaient leur apparition dans le
firmament. Escartille les contempla.
    Et maintenant ? songea-t-il.
    Il sourit.
    L’Espagne passa devant ses yeux, l’Espagne du
soleil, des chants et des danses, à laquelle il avait rêvé si souvent comme le
havre ultime. Cette Espagne fleurie qui lui rappellerait les parfums de Louve. L’Aragon
enfin, terre salvatrice ! Il trouverait là un nouveau refuge, une nouvelle
vie ; et il offrirait à Pierre cette existence qu’il n’avait pu donner à
Aimery. Une vie chargée d’amour et de fleurs, où tous deux pourraient croiser
des jeunes filles indolentes, accompagnant du bruissement de leur éventail le
murmure des fontaines.
    Une vie de tous les bonheurs.
    Pour que le sang ne soit pas vain.
    Escartille inspira une dernière fois. Il
ficha sur sa tête son vieux galurin à plume d’oie, d’un geste vigoureux. Il fit
passer son rebec derrière son flanc. Il se souvint de son rire clair d’autrefois,
de l’insolence de ses couplets jetés à la face des puissants, de la tendre
légèreté de ses stances amoureuses. Puis il frappa du talon contre l’animal. Le
cri qui jaillit de sa gorge l’étonna lui-même, comme si cela lui rappelait
soudain qu’il était encore de ce monde.
    Tu veux savoir ce qu’est Dieu, Escartille ?
    Dieu est cet enfant nouveau-né que tu
portes avec toi – c’est l’amour qu’il te reste lorsque la nuit est tombée.
    Escartille n’écrivit plus jamais une
ligne de son Livre de Vie. Mais tandis qu’il galopait ainsi sous la
voûte de ce ciel immense et constellé d’étoiles, tandis qu’il s’engouffrait une
fois encore dans cette nuit
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