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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan
Autoren: Arnaud Delalande
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noirs obscurcissaient toujours l’horizon. Il avait peine à croire ce
qu’il venait de voir. Il se tourna de nouveau vers le cadavre, puis vers le
décurion Cassius, qui se trouvait non loin.
    — Allons, dit-il dans un rire féroce, passe-moi
le fer !
    Cassius le regarda un instant, interloqué ;
puis il lui passa l’instrument, qui rougeoyait dans le soir. L’embout du fer
dessinait le corps d’un animal – un chien.
    Le légionnaire rit encore, puis, saisissant
le fer, il l’appliqua sur le front du mort.
    La marque rouge pénétra profondément la
chair en fumant, dégageant des odeurs de viande grillée. Autour d’eux, la
tempête revenait.
    — Tiens ! s’écria le légionnaire,
heureux de sa trouvaille. Tiens, brigand, c’est ainsi que je procède avec les
gens de ton espèce. Meurs comme ce que tues… un chien !
    D’autres soldats s’amusaient autour de lui.
Ils s’efforçaient de se rassurer après ce qu’ils avaient vu. L’un d’eux s’approcha
et, se moquant toujours, jeta un écriteau dans l’endroit où l’on allait rouler
le cadavre.
    — Voilà qui te tiendra compagnie !
    L’écriteau tomba dans un bruit et sembla
avalé par la terre. L’autre soldat retira le fer du cadavre. Puis il passa la
main sur ses lèvres et, dans un crachat, il poussa le voleur. Celui-ci tomba dans
la fosse qu’on lui avait préparée.
    C’était ce rêve, ce cauchemar qu’il avait
fait dans la forêt de Pamiers, quelques minutes avant de sauver Héloïse avec
Aimery ! Escartille venait de demander à Dieu de rompre son silence. Mais
ne lui avait-Il pas déjà parlé… il y avait si longtemps ? Escartille porta
la main à son front. Ses pensées continuaient à se bousculer en lui.
    « Et ils amenèrent Jésus
au lieu dit de Golgotha, ce qui se traduit lieu du Crâne. » (Marc, XV, 22.)
    « Alors sont crucifiés
avec lui deux brigands, l’un à droite et l’autre à gauche. » (Matthieu, XXVII,
38.)
    « L’un des malfaiteurs
suspendus à la croix l’injuriait : N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi
toi-même, et nous aussi. Mais l’autre, le reprenant, déclara : Tu n’as
même pas crainte de Dieu, alors que tu subis la même peine ! Pour nous, c’est
justice, nous payons nos actes ; mais lui n’a rien fait de mal. Et il
disait : Jésus, souviens-toi de moi lorsque tu viendras avec ton royaume. Et
il lui dit : En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans
le Paradis. » (Luc, XXIII, 39-43.)
    Trinité souffrante sous les éclairs du
Golgotha. Trinité crucifiée le même jour. Trinité torturée au même calvaire. Le
Christ et deux brigands. Le bon larron, ressuscité en Paradis. Le bon larron…
    Et le mauvais, Escartille.
    Le troisième larron.
    Escartille, soudain possédé tout entier
par cette intuition, poussa des exclamations sans suite ; il se releva, fit
quelques pas, tournant en rond, agité d’une nouvelle frénésie. C’était ce
voleur que l’on avait enterré, avec cet écriteau abandonné, I-N-R-I, par
blasphème et dérision peut-être, après le passage de Joseph d’Arimathie, venu
quérir la dépouille du Christ ! Le Christ avait terminé au tombeau où
Marie-Madeleine s’était rendue, plus tard, pour y constater son absence… Mais
les deux autres ? Les brigands ? On les avait descendus de leur croix,
où ils n’avaient été que ligotés… La marque du fer n’avait forcément été faite
que plus tard ! Par ces légionnaires qui s’étaient amusés de leur
dépouille, y plantant leurs clous, les déguisant dans leur aveuglement ! Et
les larrons, condamnés par Pilate pour s’être fait passer pour d’honnêtes
marchands, avaient terminé sous terre, sans que personne se préoccupe d’eux !
Les reliques du Christ – une supercherie ! Sous le tonnerre et sous la
cendre, au jour fatal, le Christ n’avait pas été seul à mourir !
    Oui, ce ne pouvait être que cela.
    Ainsi, ce n’est pas Lui !
    Il regarda Pierre, couché dans son berceau, et
lui répéta :
    — Pierre, Pierre, tu comprends ? Ce
n’est pas Lui !
    Alors il partit d’un grand rire, un rire
gigantesque et douloureux.
    Le mauvais larron.
    Escartille prenait la mesure de ce que cela
signifiait. Son soulagement, le sentiment d’une nouvelle plénitude qui venait l’habiter,
étaient balayés par des vagues de colère et d’amertume qui le laissaient
pantelant. C’était trop pour un seul homme ! Durant quarante ans, des
dizaines de milliers
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