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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan
Autoren: Arnaud Delalande
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Elle
regarda à droite, à gauche ; puis elle se tourna vers Aimery, désemparée, alors
qu’il montait les barreaux de l’échelle.
    Son cri s’étrangla dans la gorge.
    — Aimery ! Aimery ! dit-elle, affolée.
Ils veulent…
    Aimery comprit. Il était sur le point de
bondir. Une forêt de hallebardes se dressa devant lui.
    — Non ! Non, ne faites pas cela, ne…
    Il fallut quatre hommes pour le faire basculer
à l’intérieur.
    Une lance vint transpercer son flanc.
    — AIMERY !
    Aimery avait basculé en gémissant de l’autre
côté. Héloïse se précipita en avant. Des soldats l’entourèrent aussitôt pour la
retenir.
    La foule des hérétiques fut entassée
derrière les palissades.
    Ils montaient d’eux-mêmes aux échelles. Lentement,
en file indienne. Puis ils disparaissaient, un à un, de l’autre côté. Ils
descendaient au milieu des fagots. Lorsque enfin, tous furent rassemblés à l’intérieur,
il se fit un silence absolu, ponctué par des cris isolés, qui claquaient dans
le vent avant de s’éteindre comme ils étaient nés. Dans cet espace confiné, lieu
de leurs derniers instants, les hérétiques se rapprochaient les uns des autres,
de leurs parents, de leurs amis. Ainsi, ils y étaient ! Ce bûcher
effroyable auquel ils avaient songé, des années durant, ce brasier qui avait
animé toutes leurs angoisses et tous leurs cauchemars, voici qu’il était là, sous
leurs yeux, et qu’ils se trouvaient en son sein ! Les femmes de Montségur
s’apprêtaient à mourir auprès de leur mère ou de leurs enfants malades. Les
condamnés n’échangeaient plus que des gestes simples, à peine esquissés ; élans
pathétiques ramenés à leur plus simple expression. Ils s’unissaient dans un
même chagrin le temps d’un mot, d’un regard, d’une caresse, d’une étreinte. Leur
vie y était rassemblée d’un seul trait ; un dernier trait, dans lequel ils
mettaient les maigres forces qui leur restaient.
    Je ne veux pas mourir !
    Viens, viens près de moi.
    —  Aimery !
Aimery, mon amour !
    Héloïse sanglotait.
    Aimery était couché à l’intérieur des
palissades. Des flots de sang coulaient de son côté. Esclarmonde, en larmes, se
pencha vers lui, posant une main sur son front.
    Éclaire le monde.
    —  Héloïse, Héloïse,
je suis là…
    Mais il ne parvenait pas à crier. Seul un
murmure s’échappait de ses lèvres. Ainsi, lui aussi, lui aussi allait terminer
là, dans la fournaise ! Il ferma les yeux. Les routes occitanes, les longs
chemins avec son père, les fuites clandestines, les batailles du château. Tout
ce qui avait fait de lui ce chevalier damné qui se mourait maintenant ici, sur
la paille rêche.
    — Héloïse…
    Elle était là, de l’autre côté, et ne pouvait
plus voir que ces sombres palissades.
    Et ce fut le brasier.
    Le vent sifflait aux oreilles d’Escartille.
    Il ajusta encore les sangles de cuir sur sa
poitrine. Il les serra d’un coup, vigoureusement. Il avait froid et s’était de
nouveau couvert de son vieux galurin à plume d’oie. Il s’était débarrassé de sa
robe noire, roulée en boule par-dessus sa besace, pour passer sa tunique rouge.
Voilà qui lui laisserait davantage de liberté dans ses mouvements.
    Il regarda Pierre quelques secondes, l’enfant
lové contre son cœur. Ces boucles de cheveux bruns. Il avait les yeux fermés, les
mains refermées tout près de son menton. Escartille se vit soudain, tournoyant
sur lui-même, dans la tourmente de Béziers…
    Mon Dieu, se
dit-il. C’est l’histoire qui recommence.
    Ils venaient de sortir des souterrains, sur l’autre
flanc de la montagne, vers la lumière. Un trou creusé dans le roc donnait sur
la falaise à pic.
    Il regarda en contrebas.
    Plusieurs centaines de mètres le séparaient de
la cime des arbres.
    Montségur !
    Aimery, Héloïse ! Adieu !
    Il ne s’agit pas, maintenant, d’échouer.
    Je n’en ai plus le droit.
    Amiel Aicart jeta une corde, qui fendit l’espace
en se déroulant jusque sur une corniche, située une cinquantaine de mètres plus
bas.
    Il passa le premier, bientôt suivi du dénommé
Peytavi.
    Escartille prit une inspiration profonde. Il
se retourna, dos au vide, cala ses pieds contre la pierre, enroulant deux fois
la corde autour de son bras. Il la saisit fermement des deux mains…
    Et il commença à descendre en soufflant.
    Hugon et le messager prirent sa suite.
    Alors, ils entendirent les cris.
    Dans le pré, le brasier
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