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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan
Autoren: Arnaud Delalande
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une foi à transporter des montagnes, si je n’ai pas l’amour, je ne
suis rien. Quand je distribuerais tous mes biens en aumône, quand je livrerais
mon corps aux flammes, si je n’ai pas l’amour, cela ne sert à rien.
    — Faites-la taire, dit Aguilah. Faites-la
taire !
    Mais Héloïse continuait. L’évêque la vit, dressée
dans le soleil qui trouait soudain les nuages, un poing refermé sur les grains
de son chapelet qu’elle serrait jusqu’au sang, les voiles de sa robe flottant
dans le vent. Sa chevelure s’était dénouée, s’échappant de son diadème pour
venir ondoyer sur ses épaules. Elle avait tout d’un ange, maudit peut-être, égaré
en ce monde, et chacun de ses mots avait le tranchant d’un glaive.
    L’amour…
    L’amour est obstiné ;
    l’amour est serviable ;
    il n’est pas envieux ;
    L’amour ne fanfaronne pas, ne se gonfle pas ;
    il ne fait rien d’inconvenant, ne cherche pas son intérêt,
    ne s’irrite pas, ne tient pas compte du mal…
    Aguilah se dressa de son fauteuil, manquant
de déchirer son vêtement.
    — Faites-la taire ! cria-t-il.
    Il ne se réjouit pas
de l’injustice,
    mais il met sa joie dans la vérité.
    Il excuse tout,
    il croit tout,
    il espère tout,
    il supporte tout.
    Quelques soldats firent mine d’avancer
vers la jeune femme.
    Elle croisa le regard d’Aguilah, dont la main
se crispa contre son sceptre.
    L’amour ne passera
jamais.
    Héloïse referma son livre, les yeux
pleins de larmes.
    Son regard parut se noyer dans le brasier qui
n’en finissait pas.
    La fumée montait jusqu’au ciel, par-dessus les
champs, par-dessus les villages et les collines, par-dessus les montagnes.
    Puis elle lâcha la bible, qui tomba
devant les yeux de l’évêque.
    Lentement, elle se tourna vers le prélat.
    Elle fit glisser la dague de son manteau.
    Les soldats n’eurent pas le temps de réagir. Héloïse
comprit qu’on se jetait sur elle. Un croisé faisait un pas. Un autre ouvrait la
bouche dans un cri. Un troisième détournait la tête dans leur direction. L’inquisiteur
Ferrier se dressait sur sa chaise, devant la table, abandonnant sa plume.
    Héloïse n’entendit rien de tout cela.
    Elle sentit seulement la dague entrer
profondément dans le ventre d’Aguilah. Oui, elle l’enfonça au plus profond de
son estomac. L’évêque, comprenant soudain ce qui se passait, écarquilla les
yeux. Il la regarda, elle, puis la dague fichée dans son ventre, que le poignet
menu de la jeune femme faisait tourner dans ses intestins. Oui, pique !
Tiens, pique l’aiguille ! Les cheveux épars sur son front, son regard
bleu étincelant de fureur, brillant comme mille soleils de glace, Héloïse
poussa un cri rauque, un cri de jouissance. Le sang dessinait sur la chasuble
blanche une auréole sombre ; il jaillissait jusque sur la main de la jeune
femme. La bouche de l’évêque s’agrandit de stupeur. Celle d’Héloïse était
étirée en un sourire dément, les dents serrées. Aguilah sentit son souffle
chaud tout contre lui.
    —  Tu vas mourir, lui dit-elle.
    On s’apprêtait à la saisir.
    Elle releva la tête et siffla.
    —  Amor !
    Le faucon pèlerin, cette fois, plongea
instantanément dans sa direction, battant des ailes.
    Il tomba toutes serres dehors sur un croisé. Un
autre, dégainant l’épée, lui trancha une aile. Le faucon poussa un cri strident.
Héloïse, d’un coup, avait sorti le poignard du ventre d’Aguilah. Elle le
brandit un instant vers le ciel, vit sa pointe étinceler une dernière fois.
    Le feras-tu, Héloïse ? L’amour et la
mort ?
    Puis la dague décrivit un arc dans l’espace.
    Héloïse planta la dague dans son sein, de
toutes ses forces, à l’endroit du cœur.
    Elle poussa un cri, vacilla, hébétée, clignant
des yeux quelques instants.
    La lame blanche de la dague semblait danser
devant elle.
    En tombant, elle vit le visage d’Aguilah, échoué
dans la boue. Ses yeux bleus vibrèrent une dernière fois. Elle se sentit
délivrée.
    La vie avait déjà quitté le regard de l’évêque.
    Escartille était à genoux dans la grotte
du Sabarthès.
    Seul.
    Amiel Aicart, Peytavi, Hugon et le messager
avaient récupéré les biens cathares enfouis ici secrètement à la Noël. À cette
heure, ils devaient fuir déjà, sans doute en Italie, vers la Lombardie.
    Il avait défait les sangles de cuir. L’enfant
était non loin de lui, sur le rocher, dans son berceau. Il ne pleurait plus. Escartille
tourna les yeux
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