Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan
Autoren: Arnaud Delalande
Vom Netzwerk:
Ils
n’en étaient pas dignes – ils n’étaient pas dignes de trouver cet autre trésor.
Il eut un sourire amer en songeant à l’ironie de la situation. Seigneur ! C’était
lui qui brûlait les livres.
    Il jeta le cierge au milieu du sanctuaire.
    Mon Dieu, pardonnez-moi, pardonnez-nous, qui
que Vous soyez, où que Vous soyez.
    Les livres s’enflammèrent, le feu se répandit
partout. Les Rituels, rédigés en latin ou en occitan. Les grimoires et les Évangiles.
Bertrand crut entendre un cri. Un cri immense. Il lui sembla que sa raison
était sur le point de le quitter. Alors, il pleura, toussa, autant à cause de
son chagrin que de la fumée qui envahissait maintenant la salle.
    Les textes hérétiques retournèrent à l’enfer.
    Et l’aube pointa.
    Escartille retrouva Aimery et Héloïse sur le
flanc de la falaise.
    Héloïse, dans sa robe noire, tenait Pierre
entre ses bras.
    Ils restèrent ainsi sans bouger. Ils n’avaient
jamais osé songer à ce moment auparavant, espérant peut-être, au plus profond d’eux-mêmes,
qu’un miracle les sauverait.
    Il n’y avait pas de miracle.
    Escartille fit un pas. Ils n’étaient plus en
mesure de parler. Ils ne pouvaient plus. Les mots se seraient bousculés dans
leur gorge. Ils auraient été bien trop en deçà de leur émotion. Ils les
auraient trahis, inévitablement.
    Les abandonner ? Tu vas les abandonner,
Escartille ?
    Aimery regarda son père, un voile de larmes
dans les yeux.
    Soudain, il fit un pas à son tour.
    Ils s’enlacèrent, dans une étreinte d’une
force inouïe. Escartille ne put retenir ses sanglots. Il se sentit brisé, éteint
pour toujours.
    — Je n’y arriverai jamais, Aimery, mon
Dieu ! murmura-t-il à l’oreille d’Aimery, entre deux hoquets. Je n’y
arriverai jamais !
    Leur étreinte se fit plus forte encore. Les
doigts d’Aimery se crispaient contre la nuque de son père, passaient dans ses
cheveux, lui enserraient l’épaule en tremblant. Escartille levait vers le ciel
un visage grimaçant de douleur. Il lui sembla voir vaguement, dans l’immensité
céleste, disparaître les dernières étoiles.
    — Il le faut, chuchota Aimery, le visage
plongé dans la poitrine d’Escartille. Tu le dois, père. Tu sais que nous n’avons
pas le choix. L’enfant… L’enfant doit vivre. M’entends-tu ? Il doit vivre,
c’est tout ce qui compte. Toi seul peut le sauver, toi seul le peux encore !
Héloïse est épuisée. Nous sommes au bout de la route. Toi, c’est une montagne
qui t’attend ! Courage, Escartille de Puivert.
    — Mon fils, dit Escartille, le visage
ravagé de larmes. Mon fils !
    Héloïse les rejoignit dans cette étreinte. Elle
fut accueillie par les deux hommes.
    Les uns contre les autres, ils sentaient leur
souffle mutuel, comme une dernière caresse.
    — Et… ma fille.
    — Nous nous reverrons dans une autre vie,
je vous le promets, dit Héloïse de sa voix si touchante, si profondément
émouvante.
    Ils se tinrent ainsi enlacés.
    À dans une autre vie.
    À dans une autre vie.
    Héloïse lui tendit l’enfant.
    Elle lui remit comme le plus sublime des
cadeaux, dans une offrande muette, avec le sentiment qu’on lui arrachait le
cœur.
    Ils arrivèrent enfin.
    Ils étaient tous en robe noire, une
cordelette serrant leur ceinture, une bible suspendue à leur flanc ; hommes,
femmes, enfants, même eux, les derniers enfants qui avaient survécu. Long
chapelet de perles obscures, macabre rosaire défilant sous les yeux de leurs
vainqueurs. On les poussait vers ce lieu qu’on appellerait, plus tard, le Pré
des Crémats. On les avait enchaînés, comme pour les priver d’une échappatoire
que, de toute façon, ils n’espéraient plus. Nul besoin de les faire marcher de
force. Ils avançaient, certains se tenant par l’épaule ou par la main. Seul le
cliquetis du métal troublait la solennité du moment. Ils avaient la gorge nouée ;
s’ils venaient à proférer quelques mots, c’était en chuchotant, comme pour ne
pas troubler le cours terrible de ces dernières minutes. Sur leurs visages se
peignaient les émotions les plus cruelles. Certains semblaient impatients d’en
finir. D’autres avaient les traits figés, masque impénétrable. D’autres encore,
le front dégoulinant de sueur, le sang battant à leurs tempes, usaient de tout
leur courage pour ne pas hurler. Ils marchaient, chaque pas supplémentaire les
poussant vers l’abîme.
    Héloïse avançait, Aimery à ses côtés.
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher