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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos
Autoren: Paul C. Doherty
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ne pouvait les convaincre de revenir qu’en frappant les rondes fesses nues de nonnes novices. Le conte déclencha quelques rires. Ausel m’observa pour voir si je rougissais. Je l’informai avec aigreur que la lubricité était aussi banale à la Cour que ses anecdotes. Cela le fit rire et il piqua des deux.
    Je chevauchai près de Bertrand, perdu dans ses pensées. Je l’y laissai alors que nous passions sous le corps de garde du prieuré et que nous tournions à droite dans King’s Staith pour gagner le pont qui franchissait l’Ouse en direction de la grande porte de Micklegate. La journée s’était annoncée belle, pourtant elle commençait à s’assombrir. Néanmoins, les honnêtes gens d’York, de riches bourgeois aux molles bajoues, en compagnie de leurs épouses, mine revêche et croupe volumineuse, paradaient dans tous leurs atours. Une petite brise malodorante chargée de miasmes de poix, de sel, de saumure et de poisson séché montait de l’Ouse. Ces effluves se mêlaient aux puissantes odeurs des pâtisseries, des boulangeries, des forges ainsi que des misérables étals proposant diverses nourritures à ceux qui travaillaient le long de la rivière et sur les quais. C’était une cohue bigarrée et affairée de vivants et de morts, car, en ce début d’après-midi, des cortèges funèbres munis de perches, de chandelles et de bannières clinquantes escortaient des cercueils de la rivière jusqu’aux différentes églises où se tiendraient les veillées funèbres précédant la messe de requiem finale le lendemain matin. La boue et les ordures qui encombraient les voies séchaient et durcissaient sous le soleil. Tout York semblait s’être retrouvé dans les rues. Une foule d’individus disparates, de tout rang, se hâtait d’atteindre les marchés ou simplement de flâner dans l’air pourtant pas si frais, jouissant du soleil après la morne noirceur de l’hiver.
    Nous quittâmes King’s Staith pour éviter l’affluence et, empruntant une ruelle, nous débouchâmes sur une large rue pavée, qui s’avéra être aussi bondée, embarrassée de charrettes, de brouettes, de litières, de marchands pressés de vous tirer par la manche ou de retenir votre attention. Chaudronniers et tailleurs, leurs productions suspendues au-dessus de leurs étals, tentaient de couvrir de leurs cris ceux des fourreurs, des orfèvres, des chanvriers, des bouchers, des vendeurs de fruits. Des mendiants imploraient les passants en tendant leur sébile cabossée. Une nuée de dizainiers et de baillis essayaient, à grands coups de corne et de gourdin, de faire régner l’ordre parmi les colporteurs à la sauvette. Ces malins porteballes se contentaient d’empaqueter aussitôt leurs articles et de se diriger vers chaque espace libre entre les maisons, sous les porches, au pied des marches des églises ou à l’arrière des chariots. Paysans et fermiers, la tête protégée par un chapeau de paille, offraient à la vente des poules, des porcelets et des canards, « tout frais et vifs ».
    Nous dûmes nous couvrir la bouche et le nez car la puanteur des venelles et des égouts se faisait plus forte, le soleil mûrissant les tas de déchets et le contenu des pots de chambre. Rien d’étonnant à ce qu’on appelle Satan le seigneur des latrines ! L’idée que dans un tel désordre personne ne nous prêterait attention me réconforta un peu. En fait, la cité royale d’York, préoccupée surtout par la vente d’une série de boutons pour un liard ou celle d’une portée de porcelets pour un quart de marc, semblait tout à fait ignorante de la confrontation grandissante entre le monarque et ses barons. York était plongé dans le commerce à l’exclusion d’autre chose. Les habitants bousculaient même les prêtres en chape qui portaient le viatique aux malades. La lueur des cierges consacrés, le tintement des clochettes et la fumée de l’encens incandescent n’ouvraient en rien un chemin aux religieux dans la foule turbulente, qui préférait barguigner avec un vendeur de reliques offrant une aile de séraphin ou l’ongle du gros orteil de la Sainte-Trinité. La cité était la preuve vivante que « l’amour peut beaucoup, mais l’argent peut tout ».
    Nous finîmes par traverser le pont et suivîmes Micklegate jusqu’au grand portail dont les hauts créneaux s’ornaient des chefs enduits de poix des rebelles écossais. Ces reliques macabres contemplaient d’un œil vitreux les grands
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