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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos
Autoren: Paul C. Doherty
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le sol s’enfonçait soudain, la maison paysanne de pierre brute abandonnée et ces maigres arbres riches de sinistres fruits…
    Je pénétrai dans le vieux cottage. Sombre grotte de pierre au sol de terre battue, il sentait le moisi. Les jurons de mes compagnons qui dépendaient les dépouilles retentissaient dehors. J’explorai la maison sans rien y trouver sauf les restes éteints d’un feu. À la porte une ombre assombrit le jour.
    — Ils sont prêts, déclara Demontaigu. Que Dieu ait pitié d’eux, Mathilde !
    Je sortis. Estivet, un prêtre templier, accroupi auprès d’un cadavre, chuchotait les mots de l’absolution à l’oreille du défunt dans l’espoir que l’âme vivante y trouverait un peu de réconfort lors de son voyage vers la lumière.
    — Envole-toi, âme chrétienne, proféra Estivet d’une voix que l’horreur et le courroux devant ce qui s’était passé faisaient trembler. Que saint Michel et tous ses anges viennent t’accueillir. Ne tombe pas entre les mains de l’ennemi, le Mauvais… Je t’absous.
    J’attendis qu’il eût terminé puis examinai les corps. On les avait dépouillés des objets de valeur : ceinturons, boucles, bottes, armures et armes. Trois d’entre eux avaient été tués dans un méchant corps-à-corps et portaient d’affreuses et profondes blessures au visage, au cou et à la poitrine. Les deux autres, à mon avis, étaient encore vivants quand on les avait pendus. Ils avaient tous été martyrisés : nez coupé comme s’il s’agissait de félons et, pour faire bonne mesure, yeux arrachés, bouche béante remplie de boue et d’excréments d’animaux sauvages, raillerie blasphématoire du viatique. Ausel et ses amis étaient plongés dans une grande conversation et discutaient avec ardeur de ce qui avait pu se passer. Je contemplai les figures des trépassés, puis levai les yeux sur le bord du trou. J’imaginai sans peine comment ces templiers avaient été pris au piège et tués.
    Ausel cracha le mot :
    — Les Noctales !
    J’acquiesçai d’un hochement de tête.
    — Les Écossais ? proposa quelqu’un.
    — Absurde ! rétorqua Demontaigu, blême, d’un ton sec. Nous avons passé un traité avec eux, ils ne…
    — Des hors-la-loi ? Des malandrins ? suggéra quelqu’un d’autre.
    — Non ! répondis-je à voix haute.
    Ils étaient tous vraiment effrayés. À un tel point qu’ils préféraient ignorer la terrible menace : Alexandre de Lisbonne et ses hommes. Une libre compagnie de tueurs, spécialement chargée par Clément V d’Avignon et Philippe de Paris de poursuivre les templiers et de les supprimer. Édouard d’Angleterre, à sa honte éternelle, leur avait aussi donné licence sous lettres patentes de pourchasser leur proie dans son royaume.
    Certains templiers hochèrent la tête en grommelant, méprisant l’opinion d’une femme. Je m’avançai vers eux.
    — Ces cadavres sont froids, fis-je observer. Ils ont été occis tôt aujourd’hui, peut-être juste avant l’aube.
    Je désignai le bord du bas-fond.
    — C’est un endroit sûr la plupart du temps, mais les Noctales les ont encerclés ici et sont descendus. Vos camarades ont été surpris et massacrés. Bon…
    J’époussetai mes gants.
    — … voilà du moins ce que je crois.
    — Mais comment les Noctales savaient-ils qu’ils seraient là ? s’enquit Ausel. Ici, dans ce coin désert ?
    Un torrent de réponses déferla. Demontaigu me prit par l’épaule pour me conduire vers le cottage. Estivet nous rejoignit.
    — Alexandre de Lisbonne et ses Noctales : en êtes-vous certaine, Mathilde ?
    — Qui d’autre, Bertrand ?
    Je frissonnai. Le lieu était sinistre avec ces dépouilles gisant sur la terre nue, les branches torses des arbres qui se tendaient comme en attente de nouveaux fruits, le pourtour de ce trou où l’herbe haute ondoyait sous le vent. Des corneilles croassaient dans le ciel en luttant contre les bourrasques qui se renforçaient. J’avais envie de m’en aller, le cœur étreint et la peur au ventre.
    — Ils peuvent revenir, chuchotai-je.
    — Pas maintenant, objecta Demontaigu. Je ne pense pas ; pas en plein jour. La contrée est trop plate, trop découverte. Ils ne pourraient nous surprendre.
    Il respira profondément.
    — Alexandre de Lisbonne a dû être renseigné sur cet endroit et y conduire ses démons dès l’aurore. Ils ont accompli leur sanglante besogne puis sont partis. Ils doivent être loin à
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