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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos
Autoren: Paul C. Doherty
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justaucorps, leurs chemises de batiste et leurs chausses ajustées. Mais, en dépit de leur raffinement, de leurs cheveux bouclés, de leurs yeux fardés et de leurs manières délicates, ils étaient redoutables. Ils fanfaronnaient dans leurs bottes à hauts talons en cuir de Cordoue sang de bœuf, néanmoins le ceinturon qui, comme la cordelière d’une dame, entourait leur taille mince était garni d’une dague, d’un poignard et d’une épée toujours prêts à glisser hors de leur fourreau. Ils arboraient les armes de leur maître, surtout l’aigle rouge sang aux ailes éployées. Ils se prélassaient et s’installaient devant sa chambre, leurs doigts ornés de bagues tout près de la garde de leurs armes. Ils se faisaient appeler les Aquilae Petri, les « Aigles de Pierre », et certains allaient même plus loin dans l’interprétation de la citation latine, aquilae petri étant aussi le nom donné à une gemme. Le bouffon favori d’Édouard, un nain, vêtu des pieds à la tête d’un habit vert en drap de Lincoln à l’instar de Robin des Bois, en faisait des gorges chaudes. Et ce qui, au début, avait tout d’une dérisoire insulte fut, en fin de compte, reçu comme un compliment.
    C’était l’une de ces Pierres précieuses, Geoffrey Lanercost, que l’on avait envoyée au nord de la frontière négocier avec Bruce. Dieu seul sait quel plan insensé le roi avait élaboré. L’aide écossaise contre ses propres barons ? Un refuge pour Gaveston ? En échange de quoi ? L’acceptation des revendications de Bruce ? Isabelle priait pour que cela reste secret. Si les puissants du royaume pouvaient prouver que le souverain était prêt à abandonner leurs domaines en Écosse pour l’amour de son femelin de Gascon, alors toute l’Angleterre le trahirait. Ces machinations aberrantes ne me concernaient pas. Mais le bien-être d’Isabelle, si.
    En cet après-midi de la Semaine sainte, j’étais assise dans le cloître du prieuré franciscain. Ma maîtresse dormait. Nous comptions, Bertrand Demontaigu et moi, en compagnie d’autres membres du petit groupe secret du Temple, aller rencontrer quelques-uns des templiers qui venaient d’arriver d’Écosse. Nous devions nous réunir au Trou du Diable, une ferme abandonnée dans les landes, bien au-delà de la porte et de la barrière d’York. Le prieuré était silencieux. Avril, dans toute sa grâce, se faisait sentir dans l’explosion de la verdure et des fleurs aux vives couleurs. Une ombre m’enveloppa. Je levai les yeux. Frère Stephen Dunheved, confesseur dominicain du roi et, plus récemment, d’Isabelle, me toisait, debout devant moi. Dunheved avait toujours été un homme étrange, avec sa tonsure nette, son visage rond, lisse et mat, ses yeux doux et sa bouche molle sur une mâchoire un peu saillante. Un loup déguisé en agneau ! Son port de tête révélait le fanatisme qui brûlait comme un brandon dans son âme tortueuse.
    —  Benedicite, mea filia, dit-il en égrenant son chapelet de ses tendres doigts grassouillets.
    —  Benedicite, pater, répondis-je.
    Dunheved s’installa à mes côtés ainsi qu’il le faisait d’habitude, comme si nous étions des complices. Puis il se tourna pour chuchoter à mon oreille. Son haleine était chaude contre mes joues.
    — Êtes-vous en paix, Mathilde ?
    — Je l’étais, mon frère !
    Il sourit, me tapota la main puis observa les alentours.
    Je me souvins que ce dominicain venait souvent me voir. Il désigna les solides bottes de cavalière qui dépassaient de sous mon bliaud.
    — Vous partez ? Sa Grâce vous envoie… ?
    Je l’interrompis.
    — Sa Grâce se repose. Plût à Dieu que je puisse en faire autant.
    — Cela cessera-t-il jamais, Mathilde ?
    Il leva son chapelet pour désigner une pietà, une statue de la Vierge, tenant le Christ crucifié dans son giron ; au-dessus de leurs têtes se dressait une croix noire et vide.
    — La Résurrection, souffla-t-il. Mathilde de Clairebon, Mathilde de Ferrers…
    Il sourit.
    — … ou bien avez-vous adopté le nouveau nom qu’on vous donne en général : Mathilde de Westminster ? Bon…
    Il n’attendit pas de réponse, comme à son ordinaire.
    — Nous sommes crucifiés à présent, mais quand ces pousses vertes de notre passion porteront-elles des fruits ?
    Il se rapprocha.
    — Mathilde, chuchota-t-il d’une voix rauque, prévenez la reine. Priez-la de persuader son époux qu’il faut exiler Lord
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