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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos
Autoren: Paul C. Doherty
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York annonça le début d’une saison de mortelles trahisons.

CHAPITRE PREMIER
~
Très chère et très puissante dame
    Au printemps 1312, ma maîtresse, la reine Isabelle, entrait dans sa pleine jouvence. À seize ans, c’était une femme splendide, aux flancs fertiles, une vraie reine de ces romans qu’elle lisait avec tant de passion. Belle, grande, souple et élancée, le visage d’un ange, de blonds cheveux brillants, des lèvres fraîches comme rose et des yeux qui pouvaient pétiller de vie. D’étranges yeux bleu clair en amande, legs de sa mère navarraise. Isabelle régnait sur une cour chaotique. Les grands barons se rebellaient ouvertement contre Gaveston, le favori du roi, qui venait d’être nommé comte de Cornouailles et était devenu le bras droit d’Édouard. La bannière de Gaveston, une superbe aigle rouge éployée, flottait constamment sur la Cour anglaise et attisait les flammes de la guerre civile. Les grands seigneurs se réunissaient dans telle ou telle église et prononçaient, la main tendue, le plus solennel des serments en jurant de renverser l’oriflamme et l’écusson de Gaveston, de les déchirer, de les réduire en poussière. Thomas, comte de Lancastre, cousin du roi, et ses pairs convoquèrent leurs troupes et, pennons au vent, marchèrent sur Londres, pour découvrir en fin de compte que le roi et son femelin – comme ils surnommaient avec ironie Gaveston avaient fui en direction du nord vers la place forte d’York. Souverain, reine, favori et leurs maisons avaient trouvé refuge chez les franciscains en face de St Mary on Hetergate, entre Castlegate et l’Ouse. Le prieuré était un grandiose ensemble de bâtiments autour d’une église majestueuse au clocher élevé. Je revois sa nef et son chœur, endroits de sainte lumière, avec leurs autels dédiés à la Résurrection et à la Trinité baignant dans le flamboiement d’un millier de lumignons. Comment pourrais-je oublier cette maison de Dieu qui devint bientôt le repaire du meurtre ? La plupart des serviteurs royaux logeaient dans d’autres établissements, de Bootham Bar à Fishergate ; ma maîtresse et moi, pourtant, occupions les appartements donnant sur le jardin du cloître principal.
    Isabelle avait changé et il en allait de même pour moi. J’avais quelques années de plus que la reine et on reconnaissait à présent mon statut de dame de la maison privée de la souveraine dont j’étais, en fait, le seul membre. Certains racontaient que j’étais le pâle reflet d’Isabelle, avec ma longue figure blême et mes ternes cheveux châtain clair. Il est exact que je n’étais point, que je ne suis pas, une beauté, bien que Demontaigu eût toujours prétendu que j’avais des yeux clairs et rieurs, un teint d’ivoire et des lèvres qui attiraient le baiser. Flatteur ! Un homme d’honneur ; simple mensonge d’amoureux ? J’avais, auprès de la reine, le triple rôle de médecin, conseiller et clerc. J’assistais aux réunions du conseil royal. Il arrivait à Gaveston, voire au roi, de s’enquérir de mon avis sur certains sujets. Mes liens avec Isabelle s’étaient sans nul doute renforcés : en public j’étais sa dame d’honneur, à son service ; en privé, sa confidente. Je ne devais pas seulement veiller aux cuisines et aux réserves d’épices, mais, plus généralement, à tout le domestique, qu’il s’agisse de la souillarde, de la cassette secrète ou de la grande garde-robe. J’étais la domicella de confiance d’Isabelle, en charge des coffrets à bijoux et des grands coffres contenant ses atours. Je payais les messagers tels John de Moigne, offrais au maître-autel de la chapelle des franciscains des nappes en drap d’or, supervisais l’achat de cinq cents poires de Galloway, délicieuse friandise fort prisée de la reine, et de fromage de Gruyère, que son père lui envoyait de Paris avec un déluge de conseils sur la façon dont elle devrait se comporter, surtout envers Gaveston, le favori du monarque. Gaveston au beau visage et à l’esprit aiguisé comme un poignard ! Quels rapports Isabelle entretenait-elle avec le bien-aimé de son époux ? On me l’a demandé bien souvent. Pour être franche, cela reste un mystère, même maintenant, des dizaines d’années plus tard. Je ne peux que soupçonner la vérité mais pas la prouver. En public ou en privé, à la Cour ou dans les appartements secrets, ils jouaient les cousins affectueux, échangeant douces
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