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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos
Autoren: Paul C. Doherty
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paroles et gentils compliments. Je n’ai perçu nulle tension entre le roi et la reine, entre Gaveston et Isabelle, du moins jusqu’à ce fatidique temps de Pâques.
    En février 1312, l’épouse du favori, cette petite souris timorée, la sainte-nitouche et toujours dévote Margaret de Clare, donna naissance à une fille. Six semaines plus tard, Isabelle annonça à une cour ravie qu’elle aussi attendait un enfant. Je le savais depuis l’Épiphanie. Je prévins la reine qu’elle allait être mère : elle n’avait plus de menstrues depuis au moins trois mois ; le gonflement de son ventre et de ses cuisses, la sensibilité de ses seins le confirmaient d’ailleurs. Isabelle eut quelques légères nausées au début. Je la priai de s’abstenir de toute potion si ce n’est une décoction de camomille dans de l’eau pure, prise refroidie. En fait, elle s’était affirmée. Elle proclama que l’enfant serait un garçon, un futur roi. Édouard ne se tenait plus de joie, car la proclamation des hérauts confirmait sa virilité et mettait fin aux infâmes rumeurs prétendant qu’il n’était qu’un capon roucoulant avec son amant Gaveston. Bien entendu, les curieux veulent savoir s’il y avait quelque chose de vrai dans ces ragots scandaleux. Je ne peux parler que de ce que j’ai vu. À mes yeux, Gaveston était le frère, la sœur, la mère et le père du roi. Édouard était un homme seul. Gaveston lui était aussi indispensable que l’air et l’eau le sont à tout autre.
    Quelle était ma place dans tout cela ? Eh bien, il ne s’agissait pas que de flâner dans des allées privées ; de s’asseoir devant un pupitre en jouissant du délicieux parfum des roses qui montait du jardin ; de se prélasser dans une litière ou de chevaucher un placide palefroi quand le cortège royal, sous une clinquante forêt de bannières et de pennons, se rendait d’un palais à un autre. Alors de quelle manière décrire cette époque ? C’est comme regarder derrière soi dans un couloir éclairé de torches où les ombres dansent et où la lumière fait miroiter certains objets brillants attirant l’œil. Ou gravir une colline, quand le regard balaye l’horizon à la recherche d’un clocher ou des murailles crénelées d’une tour. C’est à cela que ressemblait ce temps de Pâques 1312, quand la résurrection du Sauveur fut fêtée par un cliquetis d’acier, d’épées et de poignards dégainés, d’oriflammes déployées et de destriers harnachés pour la guerre. Les grands barons, Lancastre, Warwick, Pembroke et Hereford, se mirent en chasse. Édouard pouvait bien être le roi, Isabelle être grosse, les Français menacer la Gascogne, ce loup de pape, Clément V, la créature de Philippe, se tapir en Avignon et fulminer contre le puissant ordre du Temple, le chaos et la crise en Angleterre n’en croissaient pas moins, les taches sur le miroir qui se ternissait ne s’en multipliaient pas moins. Gaveston était destiné à périr. Au cours des quatre dernières années il avait été exilé, jugé et condamné. Lui et le monarque, pourtant, s’obstinaient, négociant leurs positions. À la fin, les tractations sous des porches ombreux, au sein d’alcôves remplies de fleurs, avec leurs accords, leurs promesses, leurs proclamations et leurs plans subséquents, furent vaines. Le statut de Gaveston se réglerait par l’épée.
    Nous attendîmes à York pendant qu’une nuée de courriers et de messagers parcouraient le royaume en tous sens, en quête de soutien pour Édouard et son favori. Ils étaient si désespérés que Gaveston dépêcha même l’un de ses Aquilae en Écosse pour traiter en secret avec Robert Bruce, le rebelle écossais, dont les troupes en haillons avaient envahi la plupart des forteresses et des châteaux royaux et menaçaient à présent les Marches du Nord. Des escouades écossaises se fichaient comme des dagues dans les douces prairies au sud du mur d’Hadrien. J’interromps ma rédaction et regarde le mot « Aquilae », le nom donné aux écuyers de Gaveston, à ses hommes de confiance, à ses gardes. Oui, ils étaient cinq : Philip Leygrave, Robert Kennington, Geoffrey Lanercost, Nicholas Middleton et John Rosselin. Tous de double origine : père anglais et mère gasconne. Soldats aguerris, les Aquilae me faisaient penser à des chiens de chasse, prêts à bondir au coup de sifflet de leur maître. C’étaient de beaux jouvenceaux se pavanant dans leurs courts
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