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Le porteur de mort

Le porteur de mort

Titel: Le porteur de mort
Autoren: Paul C. Doherty
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pendus au fond de la forêt autour du village de Mordern. Elles s’écartèrent l’une de l’autre. Le visage de Lady Hawisa, d’un blanc de fleur d’aubépine, se plissa d’inquiétude. Elle se frotta les yeux, lança un coup d’oeil à l’abbesse Marguerite, puis tourna son regard vers le ciel. Elle était sur le point de reprendre leur entretien quand, plus sinistre, plus menaçant, un bruit grave, mais fort résonna, semblable à la trompette du Jugement dernier. C’était la sonnerie prolongée d’une trompe de chasse. Lady Hawisa bondit sur ses pieds et se hâta vers la porte latérale de l’église. Elle l’ouvrit et se rua dehors. La trompe sonna derechef, annonçant violence et mort imminentes. Les habitants de Mistleham se dispersaient déjà et s’enfuyaient en quête d’un refuge ; certains même frôlèrent Lady Hawisa en se précipitant dans le lieu saint. De l’autre côté de la place, archers et hommes d’armes, vêtus de la livrée feuille-morte et vert de son époux, Lord Scrope, sortirent en masse de la taverne du Rayon de miel, arcs bandés, flèches encochées. D’autres tiraient épées et dagues de leur fourreau. Les marchands abandonnèrent leurs étals ; les femmes empoignèrent les enfants pour les abriter sous les porches. De nouveau, la sinistre sonnerie se fit entendre. D’où venait-elle ? Lady Hawisa jeta un regard épouvanté autour d’elle. Des gens couraient vers l’église en criant : « Le Sagittaire ! Le Sagittaire ! L’Archer ! L’Archer ! » Frère Gratian arriva à toutes jambes. Pour un prêcheur dont le thème de prédilection était la mort, il paraissait à présent particulièrement effrayé à cette perspective. Il s’arrêta devant Lady Hawisa, ouvrit la bouche pour parler, puis la bouscula pour rejoindre ceux qui s’étaient massés dans l’église.
    — Venez vite ! s’écria quelqu’un en sécurité dans l’entrée derrière Lady Hawisa.
    Elle se retourna pour observer la place. Eadburga, la fille d’Oswin, le propriétaire du Rayon de miel, s’élançait vers elle, tenant Wilfred, son bien-aimé, par la main. Ils hurlaient et poussaient des cris perçants tout en courant. Lady Hawisa entendit, ou du moins le crut-elle, le redoutable sifflement d’un arc. On la saisit par le bras et on tenta de l’attirer dans le bâtiment, mais elle ne pouvait quitter des yeux les amants éperdus. Eadburga chancela soudain, et fit un écart au moment même où le long trait barbelé qui lui avait percé le dos lui traversait la poitrine dans un flot de sang. La jouvencelle s’écroula alors que Wilfred, qui lui serrait toujours la main, se détournait pour lui porter secours. Une seconde flèche qui s’enfonça dans le cou du garçon, à travers chair et os, le priva de souffle et de vie. Wilfred s’effondra sur les genoux, gesticulant, le sang bouillonnant entre ses lèvres, le regard voilé par la mort.

 
    CHAPITRE PREMIER
    « Qui sont les malfaiteurs ? Qui était averti du vol ?
    Qui offrit et donna aux larrons assistance, conseil et appui ? »
    Lettre d’Édouard Ier, 6 juin 1303.
    Sir Hugh Corbett, garde du Sceau privé, émissaire personnel d’Édouard I er d’Angleterre et membre de son Conseil privé, enlaça Lady Maeve, son épouse, tout en souhaitant du fond du coeur être à nouveau couché près d’elle au manoir de Leighton, dans l’Essex. Il la tint serrée, les cheveux blonds de la jeune femme effleurant sa joue, ses lèvres douces caressant sa peau. Il l’étreignit une fois encore, se délectant de son parfum délicat, puis recula. Maeve sourit, alors même que ses lumineux yeux bleus s’emplissaient de larmes, et releva le capuchon bordé de fourrure de sa mante vert foncé. Corbett trouva qu’elle n’en était que plus belle. Mais ces pleurs ! Pour dissiper sa propre tristesse, il jeta un coup d’oeil par-dessus son épaule à ses deux compagnons qui, à cheval, l’attendaient. Ranulf-atte-Newgate, clerc principal à la chancellerie de la Cire verte {1} , cheveux roux noués sur la nuque, yeux verts aux aguets dans son visage pâle, nez un peu pincé par le froid, surprit son regard et se détourna, comme distrait par la clameur qui s’élevait autour des grilles du palais. Près de Ranulf, Chanson, clerc des écuries, ébouriffé et vêtu de gris, s’efforçait de maîtriser le poney de bât chargé de sacs et de coffres. Les yeux de Corbett se posèrent à nouveau sur Maeve. Elle dissimulait à
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