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Le porteur de mort

Le porteur de mort

Titel: Le porteur de mort
Autoren: Paul C. Doherty
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énormes rubis censés renfermer le sang des blessures sacrées du Christ. La légende prétend que les pierres étaient enchâssées dans la vraie croix découverte par l’impératrice Hélène il y a mille ans. Le Sanguis Christi ainsi que d’autres richesses ont été emportés par Scrope quand il s’est enfui d’Acre. Quand il est revenu en Angleterre, il a fait le serment solennel, après que je l’eus beaucoup aidé et couvert de faveurs, que, soit à sa mort, soit au bout de douze ans, le Sanguis Christi me reviendrait. Or nous sommes en janvier 1304.
    Édouard sourit.
    — Les douze années sont écoulées. Le Sanguis Christi devrait être mien.
    — Alors convoquez donc Lord Scrope à Westminster ! s’écria le magistrat avec humeur.
    — Ah, ce n’est que le début, dit le monarque en souriant. Scrope est rusé. Il était avec les Templiers à Acre. Le Sanguis Christi et tous les trésors dont il s’est emparé avaient, dans le passé, appartenu à cet ordre qui a demandé qu’on lui restitue tout le butin, surtout le joyau. Scrope a rejeté sa requête dans son ensemble. Et il a mon soutien sur ce point.
    Il eut un large sourire.
    — Bien entendu. Selon la rumeur, le Temple a juré de se venger. Il a envoyé des émissaires officiels auprès de Lord Scrope en exigeant la restitution de ses biens. Scrope a refusé, aussi les Templiers, lors d’un consistoire secret, ont-ils prononcé la peine de mort contre lui. Certes, soupira le roi, j’ignore si c’est l’oeuvre du chapitre général ou simplement d’extrémistes, mais jusqu’à maintenant ils ont peu progressé.
    — Le pape ne pourrait-il intervenir ?
    — Le pape musarde en Avignon, sous la poigne ferme de la France, qui, comme vous le savez, n’aime guère l’ordre du Temple. Quoi qu’il en soit, Sa Sainteté proclame que le trésor de Scrope est un juste trophée de guerre, et notre archevêque, le vieux Robert Winchelsea, quand il n’est pas en exil, l’approuve sans réserve.
    — Mais vous craignez pourtant que le Temple puisse s’emparer du Sanguis Christi ?
    — Tout comme Lord Scrope. Il a reçu des messages inquiétants.
    Édouard ferma les yeux.
    — « Les moulins du Temple de Dieu broient très lentement, mais leur mouture est très fine. »
    — Comment ces avertissements ont-ils été délivrés ? s’enquit Corbett qui, fort intrigué par les paroles du souverain, en oubliait la pénombre glacée.
    — Oh, sous forme d’écrits et de lettres anonymes déposés fort mystérieusement dans la grand-salle du manoir de Scrope.
    — Vous voulez donc que je mette la main sur le Sanguis Christi avant que le Temple ne le fasse ?
    — Exactement !
    — Mais le Temple protestera si vous l’avez !
    Édouard clappa de la langue.
    — Il peut bien protester jusqu’au Jugement dernier, Corbett ! Je dirai simplement qu’il m’a été confié jusqu’à ce que la question soit tranchée, ce qu’elle ne sera jamais ! De plus, Scrope m’a demandé de l’aider avant de me le remettre. Il ne s’agit pas que d’une belle croix d’or et de cinq précieux rubis.
    — Faites-vous allusion aux Frères du Libre Esprit ?
    — Oui, oui, admit le roi en exhalant un profond soupir. Vous savez de quoi il retourne, Sir Hugh. Le pape se vautre dans le luxe en Avignon, les évêques, les prêtres et les ecclésiastiques mènent des vies indignes de leur état. L’Europe est harcelée de bandes errantes dénonçant cette décadence, de fraternités, de compagnies et de communautés de religieuses, toutes se réclamant d’une révélation divine particulière.
    La confrérie des Frères du Libre Esprit était l’une d’entre elles. À l’instar des Béguines, des Columbini, des Pastoureaux, ces frères estimaient que la véritable religion devait être débarrassée de toute structure, contrainte et hiérarchie. Ils arguaient que les hommes et les femmes devaient vivre selon la nature et n’éprouver aucune culpabilité en ce qui concerne le péché de chair, qu’aucun manquement ne devait les accabler. La propriété devait être commune, tout comme la richesse et les bénéfices. Les sacrements étaient inutiles, surtout le mariage, précisa le souverain avec un geste de dérision. Vous connaissez la chanson. Quoi qu’il en soit, cette compagnie des Frères du Libre Esprit, hommes et femmes, sous la conduite de leurs chefs, qui s’enorgueillissaient des noms d’Adam et d’Ève, s’était rendue à
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