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Le porteur de mort

Le porteur de mort

Titel: Le porteur de mort
Autoren: Paul C. Doherty
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qu’adoucissaient cependant des ridules de rire aux coins de sa bouche ferme et des yeux profondément enfoncés. Il nota les mèches grises dans la chevelure aile de corbeau de Corbett, attachée maintenant sur la nuque.
    — Nous ne rajeunissons pas, Corbett, grinça-t-il en se penchant en avant pour donner une petite tape sur la joue du clerc. Mais vous êtes toujours mon confident, Hugh, mon fidèle serviteur.
    Ses mots résonnèrent dans la pièce caverneuse.
    — J’ai confiance en vous comme en ma propre épée.
    La paupière droite du roi tomba, se fermant à demi, ce qui lui était habituel quand il était tourmenté.
    — C’est pour ça que je vous ai conduit ici afin que nous puissions parler en paix.
    Le magistrat lutta contre l’attendrissement. Il respectait Édouard d’Angleterre, homme à la poigne de fer, qui, malgré ses multiples erreurs, réussissait à maintenir l’ordre dans un chaos qui, si on lui laissait libre cours, balaierait le monde de logique, de raison, de certitudes de Corbett, l’autorité de la loi et tout l’apparat qui permettait aux utlegati – aux hors-la-loi – de rôder dans l’ombre. Corbett néanmoins se méfiait des princes, et d’Édouard en premier lieu, surtout quand il feignait de larmoyer.
    — Monseigneur, observa-t-il en désignant la salle d’un geste, il fait sombre ici et très froid, mon épouse et les enfants...
    — Hugh, Hugh...
    — Est-ce là la difficulté, Monseigneur ? Je croyais que la conspiration avait été découverte.
    — Il ne s’agit pas que de mon trésor, déclara le roi en se frappant la poitrine. C’est une partie de moi-même.
    Il se rapprocha en remontant le col de sa tunique taillée en sac puis en tirant sur ses hauts-de-chausses de laine grossière enfoncés dans ses bottes en cuir de vache.
    Corbett dissimula son sourire. Édouard d’Angleterre aimait par-dessus tout jouer le paysan quand cela l’arrangeait.
    — Je vous ai amené céans parce que quelque chose dont je désire vous entretenir appartient à cet endroit. Je ne vous retiendrai pas longtemps. Je dois me rendre aux volières royales, murmura-t-il. L’un de nos bien-aimés faucons est malade. Pendant que vous, Corbett, devrez aller à Mistleham, en Essex, pour interroger Oliver Scrope, le seigneur du manoir.
    — Monseigneur, protesta Corbett, vous m’avez promis du repos jusque bien après la Saint-Hilaire.
    — Je sais, je sais, reconnut le souverain en agitant la main. Mais j’ai besoin de vous en Essex, et je vais vous expliquer pourquoi.
    Il prit une profonde inspiration.
    — Au début de l’année dernière, un groupe errant d’hommes et de femmes relevant d’un béguinage, qui se faisaient appeler les Frères du Libre Esprit, a débarqué à Douvres. Ils sont allés en Essex sur les terres de Lord Oliver Scrope. Avez-vous ouï parler de ce dernier ?
    Corbett haussa les épaules.
    — Il possède de vastes domaines. C’est sans nul doute un homme béni de la fortune, s’il ne l’est de Dieu, ajouta Édouard, cynique. Oliver est un vieux compagnon d’armes. Nous avons combattu coude à coude au pays de Galles et dans les Marches écossaises. Vous souvenez-vous de lui ?
    Corbett fit une petite grimace, puis secoua la tête.
    — Mais si ! le taquina son interlocuteur. Vous prétendiez qu’il ressemblait à une chauve-souris : crâne dégarni, yeux protubérants, joues bouffies et oreilles saillantes.
    — C’est vrai. Je m’en souviens, concéda le clerc. Un homme de petite taille, trapu, coléreux et violent. Monseigneur, compagnon d’armes ou non, Scope a l’âme vile et se délecte à faire couler le sang. Il s’est pris à tuer comme une chauve-souris se prend à voler. Il a massacré des prisonniers gallois devant Conwy, n’est-ce pas ?
    — En effet, en effet, admit le souverain avec un rictus. Oliver aime se battre. C’est aussi un héros, Corbett, un croisé qui s’est enfui d’Acre quand la ville est tombée aux mains des Sarrasins il y a treize ans. Il a réussi à passer et à rapporter un butin princier en objets de valeur. J’en ai converti une bonne part en terres à son nom et l’ai marié à une riche héritière de quinze ans sa cadette, Lady Hawisa Talbot. Il y a pourtant quelque chose qu’il ne m’a pas remis.
    Édouard plissa les yeux.
    — Le Sanguis Christi.
    — Le Sang du Christ ?
    — Une splendide croix en or massif, expliqua le monarque dont les yeux brillèrent, cloutée de cinq
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