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Le porteur de mort

Le porteur de mort

Titel: Le porteur de mort
Autoren: Paul C. Doherty
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    PROLOGUE
    « Des malfaiteurs et mutins ont, par la force des armes, fait irruption dans notre Trésor à l’abbaye de Westminster. »
    Lettre d’Édouard I er , 6 juin 1303.
    — Corps bien nourri et complexion délicate ne sont que tuniques pour les vers et le feu de l’Enfer !
    Gratian, un dominicain de l’ordre des Frères prêcheurs, sortit une main osseuse de la manche de son habit blanc et noir.
    Il dressa un doigt, aussi mince et pointu qu’un passe-lacet, vers les cieux gris et bas, comme si les nuages chargés de neige allaient se déchirer pour révéler le Christ en gloire entouré d’anges brandissant des épées de feu, venus juger les habitants de Mistleham, dans le comté royal de l’Essex.
    Certains citoyens de ce bourg reconnaissaient, avec sagesse, que ce jour du Jugement n’était que justice. Le meurtre et le chaos n’avaient-ils pas en effet trouvé refuge à Mistleham ? Coupante tel le sifflement de l’acier, la voix puissante du dominicain retentissait à travers la place du marché bordée par des demeures cossues, par la maison des échevins et la masse menaçante de St Alphege, l’église paroissiale, aux tours carrées crénelées, à la brique grise et aux gargouilles grimaçantes. Sur les pavés glissants jonchés d’immondices, le roulement des charrettes, le martèlement des sabots ferrés et acérés des chevaux qui, frappant les pierres, en faisaient jaillir des étincelles, résonnaient ainsi qu’à l’ordinaire. D’un pas lent, des paysans allaient d’un étal à l’autre, pour faire du troc ou des emplettes. L’éloquence du prêcheur suscita néanmoins un inquiétant silence : même les baillis rassemblés autour du pilori où ils attendaient de s’emparer d’un groupe de malandrins cessèrent de crier et de jurer. Les rires gras, provoqués par le spectacle d’un homme adultère forcé de porter sur les épaules une catin qui, robe troussée, agitait ses jambes nues, s’éteignirent soudain. La voix du dominicain sonnait, aussi claire que la clochette de l’élévation, l’air matinal et glacé servant de divine trompette d’argent à son porte-voix, le chapelain et confesseur particulier de Lord Scrope.
    — Le corps est vil, puant et flétri, proclamait frère Gratian. Les plaisirs de la chair, par nature empoisonnés et corrompus, attirent sur vous les innombrables malédictions de Dieu.
    Les auditeurs du prêtre, toujours plus nombreux, hochèrent la tête en murmurant. Ils comprirent que frère Gratian faisait indirectement allusion aux Frères du Libre Esprit, ces prêcheurs vagants qui avaient surgi dans Mistleham et investi le village hanté et abandonné de Mordern, au tréfonds de la forêt voisine. Ils avaient répandu l’idée que la chair était douce et ses plaisirs salutaires. La rumeur courait, en fait, que si les hommes de leur bande galantisaient avec une femme, alors, comme Adam le fit avec Ève au Paradis, ils pouvaient lui restituer sa virginité.
    Lord Scrope, qui, arborant une coûteuse tunique diaprée tissée à Constantinople, des hauts-de-chausses de soie enfoncés dans des bottes du meilleur cuir, des éperons d’or scintillant au soleil, venait de passer sur un destrier caparaçonné, avait mis fin à ces sornettes avec brutalité.
    — Satan, déclara frère Gratian d’une voix encore plus forte, écume nos routes avec ses démoniaques bêtes de somme ! Chacune porte des millions d’âmes, ligotées et enchaînées, toutes destinées à l’Enfer. La tête du Malin est plus grosse que celle d’un cheval ou de n’importe quel autre animal. Ses cheveux sont hirsutes et son front large de plus de deux paumes. Il a de grandes oreilles molles de babouin, des sourcils en broussaille, des yeux de chouette dans une face bouffie, un nez de chat. Ses babines fendues recouvrent des crocs pointus et rouges de loup affamé.
    La voix de frère Gratian s’était faite à présent si puissante qu’on l’entendait même à l’intérieur de l’église St Alphege, gracieuse avec ses piliers, ses arches et ses colonnes élancés, sa dentelle de pierre et ses fenêtres garnies de vitraux précieux.
    Dans un coin sombre de l’édifice, à côté de la chaire de miséricorde placée près de l’autel de la Vierge, Lady Hawisa Scrope et Dame Marguerite, abbesse du couvent voisin de St Frideswide, interrompirent leur conversation. Elles évoquaient une nouvelle intervention auprès de Lord Scrope au sujet des cadavres encore
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