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Le Pacte des assassins

Le Pacte des assassins

Titel: Le Pacte des assassins
Autoren: Max Gallo
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ne peut rien reconstituer.
    — Je peux imaginer, avait-elle dit.
    Avait-on tué Arthur Orwett avant de mettre en
scène l’accident, puis de brûler le corps au lance-flammes et d’incendier la voiture ? C’était probable. Et
ce crime, comme des centaines de milliers d’autres, resterait impuni.
    On avait déjà clos l’enquête. Le chauffeur du
camion avait été disculpé.
    On avait envoyé à
Julia Garelli-Knepper cette médaille portant sur l’une des faces le nom de la
ville de Karl-Marx-Stadt – l’ancien Chemnitz – où Arthur Orwett avait séjourné.
On distinguait sur l’autre face un épi de blé, une faucille et un marteau. Comme
si les assassins avaient tenu à signer leur crime et, en envoyant cette
médaille à Cabris, à faire savoir à Julia Garelli qu’ils ne l’avaient pas
oubliée, qu’elle figurait toujours sur la liste des « ennemis de l’URSS »
qui devaient être exécutés.
    Julia n’avait même pas fait état de cet
avertissement à l’officier des services de renseignement français venu lui
confirmer qu’Arthur Orwett avait été arrêté par la Stasi – la police secrète
allemande – à Karl-Marx-Stadt, précisément, mais qu’on avait perdu sa trace
jusqu’à cet accident mortel.
    — Deux thèses, n’est-ce pas, avait dit l’officier
d’un ton désinvolte : il a été libéré et a été réellement victime d’un
accident, ou bien on a maquillé un crime.
    Il avait écarté les mains en signe d’impuissance,
ajoutant que les autorités allemandes avaient été correctes, permettant aux
enquêteurs anglais de se rendre sur les lieux de l’accident.
    — On l’a brûlé au lance-flammes, avait
seulement répondu Julia.
    Et elle avait mis l’officier à la porte.
    La mort d’Orwett
marque pour Julia, durant plusieurs mois, la crue noire du désespoir.
    La disparition de Staline ne semble d’abord
provoquer que des règlements de comptes entre criminels. On tue Beria. On
écarte Molotov. Khrouchtchev s’avance. Mais le pays reste emprisonné dans la
barbarie après la mort du Loup.
    Lors de ses obsèques, des milliers de Russes
meurent, piétinés en se précipitant pour tenter d’approcher la dépouille de
Moloch.
    À Berlin, les tanks tirent sur les ouvriers
qui manifestent. Les camps du goulag entrouvrent leurs portes pour quelques
milliers de déportés, mais d’autres Russes les remplacent ou sont internés
comme fous.
    Et ne faut-il pas être dément pour contester
un système que rien ne paraît vouloir ébranler !
    Et Julia entend Alfred Berger, Thorez, Duclos
répéter que le socialisme est invincible, que l’Union soviétique incarne pour
chaque travailleur l’espérance, l’avenir de l’humanité, qu’elle est le bastion
imprenable, la Patrie où s’édifie le socialisme réel.
    Julia n’écoute plus
la radio, ne veut plus lire les journaux.
    Elle s’enferme.
    La crue noire monte.
    « À quoi bon continuer ?, écrit-elle.
Même si la liberté l’emporte un jour en URSS, même si les aveugles d’ici
recouvrent la vue, d’autres régimes barbares, d’autres religions ou idéologies
criminelles surgiront, et les foules de fanatiques les acclameront. »
    Malgré sa discrétion
et sa pudeur, j’ai compris que Julia s’était apprêtée, en ce début d’année 1953,
à vivre avec Arthur Orwett à Cabris.
    Ils avaient décidé, en associant leurs témoignages
et leurs sources, d’écrire l’histoire de cette « imposture rouge » qu’Orwett,
dans son livre, n’avait fait qu’ébaucher.
    Il espérait aussi réussir à faire sortir d’URSS
les manuscrits de Vassili Bauman qui était prêt à courir le risque majeur, tout
en continuant à demeurer en Union soviétique.
    « Il faut crier la vérité à la face du
monde !, avait-il dit à Orwett. Il faut réveiller les consciences, les
somnambules. Ils peuvent me tuer : la vie charnelle d’un écrivain importe
peu. La publication de ses livres est sa résurrection. »
    Mais ils avaient assassiné Arthur Orwett. Staline
était mort, et Vassili Bauman avait été condamné à cinq ans de camp de travail
et de rééducation.
    Comment espérer
encore ?
    Pourquoi aller vers les autres, tenter de les
convaincre, alors qu’ils semblaient s’obstiner avec complaisance dans l’erreur,
plus sensibles au fanatisme qu’à la raison ?
    Même à Cabris, ce village de quelques
centaines d’habitants, Julia avait le sentiment qu’on la regardait avec
réprobation.
    Elle
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