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Le Pacte des assassins

Le Pacte des assassins

Titel: Le Pacte des assassins
Autoren: Max Gallo
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Julia sentît en elle le désespoir refluer.
    Elle avait retrouvé l’élan de l’espérance.
    Jusque-là, elle avait simplement commis ce
péché contre l’esprit qu’est l’impatience, forme de mépris des hommes, oubliant
qu’à la fin, dans la foule passive, haineuse ou fanatique, quelques-uns
toujours refusent la soumission et préfèrent tendre le cou aux tueurs plutôt
que de renoncer à crier.
    Julia avait recouvré
l’unité de sa personne, et, méthodiquement, sans se mêler à la rumeur, sans
faire d’éclats, elle avait écrit, rassemblé ses archives, ignoré les menaces, les
risques d’agression.
    Car on l’avait prévenue que les « Organes »
– russes, roumains, bulgares, allemands – voulaient s’emparer et détruire ses
dossiers, et l’assassiner. Une nouvelle fois on l’avait assurée qu’elle
figurait toujours en bonne place sur la liste des ennemis de l’URSS.
    Mais elle se sentait chaque jour plus forte, la
vérité finissant par renverser tous les obstacles.
    C’était ce qu’on
avait appelé le « dégel », incertaine et brève période de liberté
vite muselée, mais des voix avaient brisé le silence, des manuscrits de Vassili
Bauman avaient été publiés à Milan, annonçant sa grande œuvre, Les Naufragés ,
et l’on savait, parce qu’on avait pu lire Soljénitsyne, ce qu’avait été Une
journée d’Ivan Denissovitch.
    Cela n’avait pas empêché Alfred Berger de
continuer à mentir, de calomnier, de lancer ses anathèmes, de ressasser :
« Le fascisme ne passera pas ! »
    Alors que lui-même était l’expression, l’incarnation
d’une variété de fascisme.
    Et l’on commençait à le dire.
    Des historiens, des écrivains, des philosophes
venaient comme en pèlerinage rendre visite à Julia Garelli dans sa Fondation. J’ai
découvert dans son journal que, le plus souvent, ils la décevaient. Ils avaient
leurs hypothèses et ils voulaient qu’elle les validât, et peu importait ce qu’elle
avait à leur dire. Ils cherchaient à se justifier. Ils lançaient eux aussi des
anathèmes avec la même vigueur qu’ils l’avaient fait jadis au nom du communisme.
    Ils étaient ce que Julia appelle dans son
journal des « fanatiques retournés », comme ces illustrations de
cartes à jouer qui présentent la même figure, en haut, en bas, et vice versa.
    « Valets de pensée, valets de plume »,
avait écrit Julia.
    Elle, désormais, ne
doutait plus.
    Les dernières pages de son journal sont
sereines :
    « Il faut tenter de ne point être en
dissidence avec soi-même », écrit-elle, citant saint Bernard.
    Elle ajoute qu’il faut, jusqu’au bout de ses
forces, faire ce que l’on croit être le seul à pouvoir faire :
    « Je suis l’une
des rares survivantes – sans doute même la dernière – à avoir fait, au
printemps 1917, le voyage à travers l’Allemagne, de Zurich à Petrograd. Je dois
témoigner.
    Je suis aussi l’une des déportées du goulag
que, le 8 février 1940, les agents du NKVD ont livrées aux SS sur le pont de
Brest-Litovsk.
    Ma vie est la preuve de la parenté, de l’intimité
des deux systèmes oppresseurs, le nazisme et le communisme, ces deux faces d’un
même monstre. »
    Puis, comme si déjà
elle s’éloignait des péripéties de la vie, des circonstances passagères qui
accompagnent une existence et font la trame d’un destin, elle écrit :
    « Il faut
rappeler que le noir existe à ceux qui ne croient qu’à la lumière.
    À ceux qui tâtonnent dans l’obscurité et n’imaginent
pas la clarté du jour, il faut dire que l’aube vient, s’ils la désirent. »
    Tel est le sens du
livre que j’ai écrit en souvenir de Julia Garelli-Knepper et grâce à elle.
     
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