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Le Pacte des assassins

Le Pacte des assassins

Titel: Le Pacte des assassins
Autoren: Max Gallo
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enfants
des condamnés.
    Devant l’insistance de maître Izard, les
preuves accablantes qu’il avançait, maître Jouvin et maître Doucet avaient
quitté avec un bel effet de manches la salle du tribunal.
    « Comment ne
pas mépriser ces hommes qui se ruaient à la servitude au lieu de penser et d’agir
en hommes libres ?
    Et eux n’avaient pas même l’excuse de vivre
sous un régime de terreur !
    Je les avais observés, écoutés, lus. J’avais
essayé de comprendre leurs mobiles. Tant de témoins déjà confirmaient les faits
que rapportait Kravchenko !
    Les protocoles secrets qui accompagnaient le
Pacte germano-soviétique et organisaient le partage de la Pologne entre Hitler
et Staline avaient été publiés.
    On connaissait les conditions dans lesquelles
– il y avait seulement quelques mois – les communistes s’étaient emparés du
pouvoir à Prague, comment ils jugeaient et pendaient les opposants en Hongrie, en
Roumanie, en Bulgarie, comment ils tentaient de briser en Yougoslavie le
communiste patriote Tito qui leur résistait.
    Ils transformaient ainsi l’Europe orientale en
“prison des peuples”.
    Mais Jouvin et Doucet, grands maîtres du
barreau, et les écrivains, les intellectuels prestigieux qu’ils faisaient citer
comme témoins de la défense des Lettres françaises osaient prétendre que
la démocratie et la justice régnaient en URSS et dans ce qu’on commençait à
appeler les “démocraties populaires”.
    « Je n’ai pas
seulement méprisé ces hommes, je les ai haïs pour leur hypocrisie, leurs
mensonges, leur fanatisme.
    Ils célébraient à l’égal d’un héros le
Secrétaire général du Parti communiste qui avait déclaré : “Le peuple de
France ne fera jamais la guerre à l’Union soviétique”, et annoncé que si l’Armée
rouge venait à occuper Paris, le peuple français agirait avec elle comme le faisaient
les peuples roumains, bulgares, tchèques…
    Cette apologie cynique de la trahison et de la
collaboration me révoltait.
    Si l’Armée rouge s’installait en France, ceux-là,
ces fanatiques, ces collaborateurs agiraient comme les agents des “Organes” et
dresseraient des gibets !
    Il me fallait les combattre.
    C’est pourquoi j’ai commencé à écrire, songé à
rassembler mes archives dans cette propriété que j’avais achetée à Cabris et
dont je voulais faire le siège d’une Fondation dédiée à ceux, hommes et femmes
libres, dont j’avais partagé les illusions, les souffrances et le destin. »

CINQUIÈME PARTIE

46.
    À l’issue du procès Kravchenko, Julia est une
femme d’à peine cinquante ans, l’âge du XX e siècle.
    J’ai devant moi les photos d’elle que publie
la presse au lendemain de la proclamation du verdict qui condamne Les
Lettres françaises, mais d’une manière si nuancée, si bénigne que les
journaux communistes peuvent clamer que « le traître, le gangster
littéraire, l’agent des Américains, le fauteur de guerre » a échoué dans
son entreprise de calomnier l’Union soviétique qui reste, pour tous les peuples,
« la citadelle du socialisme et de la paix ».
    C’est ainsi que s’écrit, en 1949, la langue
communiste.
    Dans le regard de
Julia, dans l’expression de son visage, je lis non de la résignation, mais de
la tristesse, une souffrance acceptée, domptée mais indélogeable, au cœur de
son âme.
    Elle note dans son journal :
    « Je ne puis
oublier Maria Kaminski et sa gardienne – interprète ! – qui lui serrait le
bras, l’entraînait hors de la salle du tribunal.
    Avec ce souvenir de Maria, ce sont tous les
visages de mes camarades de camps, celles de Karaganda et de Ravensbrück, qui m’habitent.
    Or j’ai dû entendre l’avocat général accabler
Kravchenko au nom de l’objectivité et d’un raisonnement qui se voulait balancé :
    — Sous aucun prétexte on n’a le droit d’abandonner
sa patrie en guerre, de divulguer des secrets…
    Kravchenko est donc bien le traître que
dénoncent Les Lettres françaises, lesquelles peuvent faire oublier qu’elles
sont condamnées à 150 000 francs de dommages et intérêts. “L’honneur de
Kravchenko ne vaut pas un sou !” titrent-elles en rappelant les propos de
l’avocat général : “Messieurs, qu’il y ait eu des excès en Russie, c’est
possible. Tous les régimes neufs, s’ils ne veulent pas périr, sont obligés de
se montrer particulièrement vigilants, et cette vigilance nécessaire les
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