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Le Pacte des assassins

Le Pacte des assassins

Titel: Le Pacte des assassins
Autoren: Max Gallo
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amène
parfois à des rigueurs particulières.”
    Qu’a-t-il fait, ce magistrat, de mon
témoignage ? C’est comme si je n’avais pas rapporté les cris de ces camarades
juifs allemands qui se débattaient sur le pont de Brest-Litovsk, le 8 février
1940, lorsque les agents du NKVD les entraînaient vers les SS, les livraient
ainsi au peloton d’exécution, aux camps d’extermination.
    Cette incapacité à entendre, à comprendre qu’entre
les deux régimes, celui de Staline et celui de Hitler, fut scellé un pacte
rouge et noir, le pacte des assassins, me désespère.
    Pourquoi cette surdité, cet aveuglement ?
    Pourquoi tant d’hommes refusent-ils la liberté
et privilégient-ils l’esclavage ?
    Isabelle Ripert, ma camarade, ma sœur de camp,
m’a dit un jour d’une voix brisée :
    — Tais-toi, je t’en supplie. Sinon, nous
ne pourrons plus nous voir, et j’en mourrai de tristesse. Ne me condamne pas, toi
qui m’as sauvé la vie !
    Je me suis tue. Je ne lui ai pas envoyé Tu
auras pour moi la clémence du juge ni Tu leur diras qui je fus, n’est-ce
pas ? Qu’aurait-elle pensé de mes livres ? Elle ne les aurait pas
lus. Elle m’aurait maudite de les avoir écrits !
    Peu importe que ce que je dis soit vrai, confirmé
par des témoins innombrables, des hommes et des femmes qui, comme Kravchenko, se
sont enfuis d’URSS. C’est comme si le mensonge était plus fort que la vérité.
    On écoute Alfred Berger. On croit Maria
Kaminski. Et moi, on m’insulte !
    « J’ai trouvé, tracée
à la peinture noire, sur la chaussée de la route qui mène du village de Cabris
à ma propriété, une immense croix gammée peinte quelques jours après mon
installation.
    Elle était accompagnée d’inscriptions sur le
goudron et sur les murs, de chaque côté de la route, si bien que durant
plusieurs centaines de mètres je pouvais lire en lettres capitales : “Dehors,
la collabo des nazis !”, “Vive Staline, Vive l’URSS !”, “À bas la
fasciste”, “À mort l’Italienne du Duce !”
    Je m’arrête devant chacune de ces injonctions.
Je les lis et les relis. Je pense aux SS, aux kapos, aux agents des “Organes”, à
la cruauté de ces hommes et de ces femmes qui n’avaient de différents entre eux
que la langue qu’ils parlaient, la nationalité qu’ils revendiquaient, l’uniforme
qu’ils portaient ! Mais ils appartenaient les uns et les autres à ce
peuple innombrable des bourreaux endoctrinés par deux régimes jumeaux !
    Ces inscriptions étaient la preuve que le mal
s’était répandu et enraciné hors de Russie et d’Allemagne, dans les têtes de
citoyens vivant dans des pays démocratiques et qui eussent pu choisir d’être
libres !
    Je ne veux pas me laisser intimider.
    J’ai survécu aux coups, aux privations, à la
haine, aux camps !
    Je refuse de céder !
    « La violence de ces graffitis inquiète
Arthur Orwett qui m’a rendu visite.
    Il vient d’achever la rédaction d’un grand
reportage en Europe. Un rideau de fer, dit-il, comme le prévoyait Churchill, sépare
désormais l’est de l’ouest du continent. Une confrontation commence dont il
craint qu’elle ne devienne militaire. Le fanatisme va gouverner les esprits.
    Il me conseille de quitter pour quelques mois
Cabris, de me faire oublier, de retourner à Venise où l’on ne peut à tout le
moins me traiter d’étrangère.
    Il craint que je ne sois à la merci d’un
assassin qui, agissant de son propre chef, aura le sentiment, en me liquidant, d’accomplir
un acte héroïque, d’être le défenseur du socialisme.
    « Je ricane.
    Orwett s’emporte. Il me reproche d’avoir
oublié ce qu’un système de pensée peut faire des hommes.
    Le Mal devient le Bien. Le Crime, la Justice !
Le Tyran, le Libérateur !
    Doit-il me rappeler le sort de Heinz Knepper, de
Thaddeus Rosenwald, de Willy Munzer, de tant de nos amis, les procès qui s’ouvrent
dans toutes les capitales de l’Europe centrale, et les pendaisons qui les
concluent ?
    Orwett s’exprime avec une passion amère.
    Pour lui, Staline n’a pas changé. Au contraire,
le Tyran affirme que les progrès du socialisme et sa victoire sur le nazisme
exacerbent la lutte des classes, font surgir de nouveaux complots fomentés par
les Américains. Et les Juifs y joueraient un rôle majeur. On les arrête, on les
persécute. Il me parle de Vassili Bauman dont les livres, y compris ceux qu’il
a publiés durant la guerre, sont interdits et qui vit
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