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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre
Autoren: Robert Merle
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du domestique, et dignement.
    Monsieur de Lésignasse considéra alors La Barge avec un air
de hauteur qui dut donner des démangeaisons à l’épée de mon écuyer, lequel,
toutefois, m’ayant jeté un œil et lu dans le mien que la prudence était de
mise, garda une face imperscrutable.
    — Je m’en occuperai, Monsieur le Comte, dit Lésignasse
en baissant les yeux. Plaise à vous de me suivre.
    La salle où il me mena était vaste assez et portait cet air
qui, dans ma chambre, m’avait déjà frappé d’avoir été décorée avec faste
plusieurs années auparavant, mais sans qu’on eût considéré nécessaire, depuis,
de la redécorer. En son centre, on avait dressé une table pour deux couverts
avec une fort belle nappe, des verres de cristal, des couverts de vermeil et
des assiettes de la plus fine porcelaine. Mais, par malheur, jurant avec ce bel
ensemble, les chandeliers de table portaient des chandelles et non, comme chez
Madame de Guise ou chez mon père – seul luxe qu’il se permît – des
bougies parfumées.
    Après m’avoir prié de m’asseoir à table, Monsieur de Lésignasse
se retira et j’attendis alors dix bonnes minutes avant que n’apparût la dame de
céans.
    Elle vint enfin. Je me levai, allai à elle, m’inclinai, lui
baisai la main, puis retirant et rapprochant sa chaise, l’aidai à prendre
place, tout en lui récitant, sans même ouïr ce que je lui disais, les
compliments d’usage.
    Elle était très belle assurément, ayant un visage d’un ovale
parfait, un nez droit et fin et des yeux azuréens bordés de cils noirs. Il est
vrai que sa vêture était noire, elle aussi et boutonnée, mais point si austère
qu’il y paraissait de prime, car le corps de cotte était fort bien coupé et
dessinait une taille mince et souple et au-dessus, des formes féminines (qui
oserait parler de tétins, s’agissant d’une dévote ?). Il est vrai que ledit
corps de cotte, bannissant tout décolleté, montait très haut, mais
s’agrémentait d’une jolie dentelle en point de Venise qui mettait en valeur un
cou blanc, rondi et délicat qui se penchait à l’occasion sur l’épaule avec
beaucoup de grâce. Il est exact aussi que Madame de Candisse gardait la plupart
du temps les yeux baissés, mais leur lumière azuréenne, quand elle relevait les
paupières, était en revanche éblouissante. Et si sa voix, au prime abord,
paraissait expirante, dès lors qu’on s’était accoutumé à son faible volume,
elle vous charmait par sa musique et sa suavité.
    Sans le pouvoir tenir pour sûr, je crois bien, cependant,
qu’elle était pimplochée, encore qu’elle le fût très à la discrétion. Mais il
me parut que les longs cils qui ombrageaient ses yeux magnifiques avaient été
quelque peu noircis pour mettre leur azur en valeur. Et si elle ne se
barbouillait pas les joues et le front de céruse et de peautre, comme font ces
frivoles dames de la Cour qui ne rêvent que galanteries, il me sembla que le
vermeil de ses lèvres avait été quelque peu avivé. Comme l’avait prévu La
Barge, la chère fut piètre et pauvre et je n’y goûtai de bon que le vin qui,
étant de Loire, ne pouvait être mauvais. Mais en revanche, je n’eus pas à me
mettre en frais. La dame parla seule et ne parla que de soi.
    — Monsieur, dit-elle, je vous prie de ne pas vous
étonner, ni de vous tenir pour offensé, si je n’ai invité personne en même
temps que vous, mais je vis fort retirée du monde. Non par chicheté ni
inhumanité car, bien le rebours, je donne aux pauvres quasiment sans compter,
mais pour me retrancher des superfluités qui m’éloigneraient de Dieu, dont
l’amour est devenu, depuis mon veuvage, l’unique objet de ma vie. Il n’est que
trop vrai, hélas, que du temps de mon défunt mari, je vivais beaucoup dans le
siècle, parce qu’il le voulait ainsi et que mon devoir, auquel je n’aurais su
me soustraire, était de lui obéir. Mais quand le Seigneur l’a rappelé à lui et
que je fus devenue ma maîtresse, je résolus de purifier ma vie et d’en ôter les
occasions de pécher en fuyant non seulement la peste des mauvais exemples, mais
en supprimant l’inclination à la vanité que je n’avais pas laissé de déplorer
du vivant de mon défunt mari. Je renvoyai alors la moitié de nos gens et
exigeai de ceux que je gardais et qui travaillaient davantage du fait de leur
petit nombre, les bonnes mœurs, la piété et les saintes habitudes dont je leur
donnai le
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