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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre
Autoren: Robert Merle
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Schomberg.
    — Et le cardinal de Richelieu, le
connaissez-vous ?
    Je fus ici beaucoup plus laconique.
    — On le tient pour un homme de grands talents.
    — Mais, dit Madame de Candisse, on lui prête
l’intention que d’aucuns tiennent à scandale, d’intervenir par les armes contre
les troupes pontificales qui occupent les forts de la Valteline.
    « Voilà donc, pensai-je, à quoi tendent toutes ces
questions ! La dame n’est pas qu’une dévote. Elle appartient au parti
dévot et tâche de savoir pour elle-même, ou pour d’autres, où vont mes
sympathies. Ces personnes me prennent maintenant pour un homme de quelque
conséquence, parce que le roi m’a dépêché en ambassade dans un de ses
carrosses. »
    — Madame, dis-je, le roi seul décide. Le cardinal donne
des avis, comme tout un chacun au grand Conseil des affaires.
    — Dont vous faites partie, Monsieur.
    — En effet.
    — Vous avez donc votre petite idée sur la question de
la Valteline.
    — Madame, je n’en peux rien dire tant qu’elle n’est pas
venue en discussion en notre Conseil. Mais en revanche une chose est sûre.
    — Et laquelle ?
    — Je voudrai ce que veut le roi.
    J’entendis bien que ces réponses, qu’elle écouta les yeux
baissés, ne pouvaient en aucune manière satisfaire Madame de Candisse, mais
j’étais résigné à ce qu’elle fit de moi à ses amis un médiocre rapport.
    — Monsieur, dit-elle, il se fait tard et vous aspirez
sans doute à quelque repos après cette journée de voyage. Me permettez-vous,
avant que votre fatigue vous ensommeille, de vous venir visiter dans votre
chambre afin que nous puissions élever de concert à Dieu nos âmes en nos
oraisons du soir ?
    Bien qu’elle m’étonnât au dernier degré de l’étonnement,
j’acquiesçai à cette prière, tout béant qu’elle me laissât, venant d’une
dévote.
    Madame de Candisse voulut bien paraître charmée de mon
acquiescement. Elle se leva. J’observai qu’étant debout, elle tituba quelque
peu, sans doute sous l’effet du vin qu’elle avait bu.
    Dès que je fus dans ma chambre, je retirai mon pourpoint et
mes bottes, mais n’osai aller plus loin dans mon déshabillage, ne sachant que
penser et de reste mourant de sommeil au point de n’oser fermer l’œil sur la
chaire à bras où je m’étais assis, de peur de m’endormir tout à plein. Cette
prière à deux ne me disait rien qui valût et d’autant que la dame ayant été à
mon advenue si longue en ses oraisons, je craignais que celles qu’elle voulait
faire avec moi ne fussent interminables.
    Non que j’omisse jamais en mon quotidien ma prière du soir,
mais pour parler à la franche marguerite, elle était fort courte, pas tout à
fait autant toutefois que celle d’un soldat du baron de Mespech [3] qui s’appelait Cabusse.
    Ce Cabusse était un solide ribaud qui avait fait une belle picorée
quand nous avions repris Calais aux Anglais. Avec ces pécunes, il avait acheté
une terre de quelque apparence, construit une maison, épousé une jolie
chambrière de ma grand-mère nommée Cathau et, s’étant ainsi de tous côtés bien
pourvu, élevait des moutons et prospérait, étant à ses yeux fort riche et fort
heureux. Or, par Cathau, tout Mespech avait appris, en s’ébaudissant
grandement, à quoi se limitaient les oraisons de Cabusse : le matin, il
disait en s’étirant : « Seigneur, Votre Serviteur se lève !
Donnez-lui une bonne journée ! » et le soir en bâillant :
« Seigneur, Votre Serviteur se couche. Donnez-lui une bonne nuit avec sa
femme et épouse ! »
    Mon père m’avait conté plus d’une fois cette prière de
Cabusse, lequel je n’avais jamais connu, car il était mort avant que je fusse
né. Mais à y penser derechef, après tout ce que j’avais appris ce soir-là des
lèvres de Madame de Candisse, je trouvais en y repensant que la foi de Cabusse,
qui n’aurait jamais quant à lui rêvé de parvenir au « cœur à cœur avec
Dieu », avait du moins le mérite de la naïveté et de la modestie.
    J’en étais là de ces pensées quand on toqua un faible coup à
ma porte. Je l’allai déclore et trouvai devant moi Madame de Candisse, un
chandelier à la main. Elle m’apparut vêtue d’une camisole de nuit d’un bleu
tout angélique, le cheveu dénoué flottant sur ses épaules, l’œil en fleur et un
tel air d’innocence répandu sur son beau visage que vous eussiez dit qu’elle
n’attendait que son auréole
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