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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre
Autoren: Robert Merle
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modèle. Et comment ? Par la prière, par la confession, par de
constantes oraisons, je tâchai de dominer les faiblesses particulières à mon
sexe et je parvins enfin non seulement à « ce degré d’excellente
charité » que recommande François de Sales, mais à m’unir cœur à cœur avec
Dieu…
    Ce discours dont je ne donne céans que quelques aperçus,
dura bien une grande heure, car il fallut qu’à l’éloge de ses propres vertus la
dame joignît aussitôt la dénonciation déprisante des vices du siècle, en
particulier à La Flèche où, m’assura-t-elle, elle tenait pour certain que la
plupart des personnes de bonne maison qu’elle avait connues du temps de son
défunt mari étaient promises, si elles ne se repentaient pas, aux flammes
éternelles.
    En prononçant ces paroles, une lueur passa dans ses beaux
yeux, laquelle me donna à penser que l’autodafé probable de ses anciens amis ne
la désolait pas autant que je l’eusse attendu d’une personne qui avait atteint
le degré d’« excellente charité » de François de Sales. Le lecteur
entend bien, de reste, que dans la certitude où Madame de Candisse était de
connaître par avance le jugement de Dieu, il lui eût paru disconvenable
d’inviter en même temps que moi, pour me faire honneur, de futurs damnés…
    M me  de Candisse me tint ces propos tout
en picorant maigrement sa maigre chère et buvant en revanche beaucoup plus que
je ne le faisais moi-même, car le premier flacon étant défunt, elle en commanda
un second qu’elle vida quasiment jusqu’à la dernière goutte.
    — Monsieur, dit-elle quand elle eut ainsi repris des
forces, me permettez-vous de vous poser quelques questions touchant votre
personne qui ne laissent pas de me tourmenter ?
    — Qui vous tourmentent, Madame ! dis-je avec un
étonnement poli. De grâce, posez ces questions ! Je ne voudrais pas que
vous pâtissiez en quoi que ce soit de mon fait…
    — Eh bien, Monsieur, pour entrer sans tant languir dans
le vif du sujet, voici ce qui m’agite. Vous êtes fils de huguenot converti et
d’après ce que j’ai ouï dire, vous passez pour un catholique assez tiède.
    Je fus béant, encore que je n’eusse pas dû l’être. Après
l’éloge par la dame de ses propres vertus et la condamnation véhémente des
vices du siècle, la logique voulait qu’il y ait un troisième volet à ce
triptyque : l’inquisition. Si j’en crois mon expérience, d’aucuns de ces
grands dévots sont des gens de pouvoir qui n’aiment rien tant que s’insinuer
dans la vie des autres pour la diriger.
    — Madame, dis-je, le ciel vous a comblée de tant de
grâces, tant physiques que spirituelles, que je ne puis les considérer sans en
être tout à plein charmé. Et d’autre part, je vous dois tant de mercis pour
votre hospitalité que j’aimerais pouvoir bailler réponse à votre question, si
inattendue qu’elle me soit apparue. Mais pour cela, il faudrait, Madame, que je
me confesse, mais me confesser à qui ? À vous, Madame, que notre Sainte
Église n’a pas ordonnée prêtre ? Me pourriez-vous remettre mes péchés, si
même je vous en faisais l’aveu avec la plus parfaite contrition ? Pour
cela, Dieu merci, j’ai mon confesseur, l’abbé Courtil, qui est curé de
Saint-Germain-l’Auxerrois. Et tout ce que je peux vous dire à ce sujet, Madame,
mes confessions étant secrètes, c’est que Monsieur l’abbé Courtil n’est pas
fort mécontent de moi…
    À ce discours, la même lueur déquiétante passa dans l’œil de
Madame de Candisse, laquelle me donna à penser que la dame était haute et
tyrannique et me garderait mauvaise dent de ma petite rebuffade. Toutefois,
elle ne laissa pas que de poursuivre son interrogatoire, mais sur un tout autre
registre.
    — Monsieur, dit-elle, me pardonnerez-vous ma curiosité
féminine, si je vous posais encore quelques questions ? Connaissez-vous
Monsieur de Marillac ?
    Cette question, qui paraissait innocente, ne l’était point
en fait, car Marillac était catholique zélé, ultramontain avéré, papiste
convaincu et s’était illustré, au moment de la Ligue, par son hostilité
violente à l’endroit des huguenots et d’Henri IV, auquel toutefois il
avait fini par se rallier.
    — Je le connais, dis-je.
    — Et qu’en êtes-vous apensé, Monsieur ?
    — Ce que le monde entier en pense. C’est un homme fort honnête,
raison pour laquelle le roi l’a nommé aux finances avec Monsieur de
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