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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre
Autoren: Robert Merle
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CHAPITRE PREMIER
    Nos bons caquets de cour disaient que Louis XIII, avant
que d’appeler Richelieu en son Conseil, nourrissait à son encontre les plus grandes
préventions. Et c’était vrai. Ils disaient aussi que Louis n’accepta le
cardinal que sur les instances les plus pressantes de sa mère. Et rien n’était
plus faux.
    S’il y avait une personne au monde à laquelle Louis ne
voulait ni ne pouvait céder, c’était bien cette personne-là, qui lui était si
proche, mais qui l’avait tant humilié et rabaissé en ses enfances et, en ses
années plus mûres, pris deux fois les armes contre lui. Quand il se fut enfin
libéré de ce joug, Louis fut longtemps en méfiance à l’égard du cardinal, pour
ce qu’il avait été le ministre de l’infâme Concini – exécuté sur l’ordre
de Sa Majesté le vingt-quatre avril 1617 – et aussi parce qu’il avait été
le principal conseiller de la reine-mère, quand elle dut – sur l’ordre de
son fils – s’exiler à Blois.
    Mais sur ce point son jugement se nuança quelque peu au
cours des années. Il finit par reconnaître que Richelieu tâchait d’exercer une
influence modératrice sur Marie de Médicis, si tant est qu’une telle influence
fût possible.
    Il s’avisa aussi que le cardinal avait de grands talents et
bien qu’en un sens, ces talents l’effrayassent – car il craignait que le
prélat ne le voulût tyranniser, s’il lui donnait quelque pouvoir –, Louis
était entré en tel dégoût de ses ministres – médiocres, traîtreux et
prévaricateurs – qu’il se décida à mettre Richelieu à l’épreuve en lui
faisant confiance, à tout le moins pour un temps – quitte à le
« tronçonner » [1] dès lors
qu’il lui donnerait des motifs de mécontentement. Mais de cette confiance si
méfiante, Richelieu fit incontinent le meilleur usage !
    Après avoir exilé Monsieur de Schomberg, surintendant des
Finances, sur de fausses accusations, Louis finit par reconnaître qu’il avait
commis une erreur. Il connut assez vite qu’il en avait commis une autre en
appelant à sa place La Vieuville, gendre du financier Beaumarchais. Louis, qui
excellait dans l’action, réagit avec son énergie coutumière : il
emprisonna La Vieuville au château d’Amboise. Beaumarchais, poursuivi chaudement,
n’eut que le temps de se réfugier en son île de Noirmoutiers.
    Louis institua alors une chambre de justice à laquelle il
déféra, outre La Vieuville et Beaumarchais, une cinquantaine de financiers. Il
voulait tirer de ces trichoteurs une prompte et rigoureuse justice. Toutefois,
au moment de mettre en marche la machine qui les devait broyer, il consulta
Richelieu.
    Nul ne savait mieux que le cardinal plaider le pour et le
contre, sans montrer sa préférence et en laissant à Sa Majesté le choix et la
décision. Le « contre », toutefois, apparaissait si fondé en raison
que Louis, qui ne manquait pas de jugement, ne devait pas faillir à le
préférer.
    Plaise au lecteur de me permettre de résumer comme suit le
propos qu’en cette occasion le cardinal tint au roi.
    — Sire, ces Messieurs ont pillé, en effet, sans
vergogne aucune, le trésor du royaume et vous ont mis dans une situation fort
difficile car sans argent, aucune politique n’est possible. Ils ont donc commis
contre Votre Majesté un crime majeur et ce serait justice qu’ils encourent les
derniers châtiments. Mais, Sire, à supposer qu’on débarrasse la terre de ces
coquins, retrouverez-vous pour autant les millions qu’ils ont détournés ?
Il est fort probable que non. Dès lors, Sire, une autre solution est possible :
on pourrait négocier avec chacun d’eux en lui promettant la liberté s’il
remboursait ses roberies. Il appartient à Votre Majesté de choisir celle de ces
deux solutions qui a sa préférence.
    — Négociez, mon cousin ! Négociez ! dit le
roi après un instant de réflexion.
    Richelieu, à mon sentiment, ressentait un plaisir délicieux
chaque fois que le roi l’appelait « mon cousin ». Lecteur, tu
n’ignores pas que Sa Majesté, selon le protocole, devait aux cardinaux cette
flatteuse appellation. Mais Richelieu savait bien qu’il était déjà passé
au-delà du protocole : dans l’affaire des financiers, Louis avait suivi
ses avis.
    Richelieu, en effet, négocia avec les financiers sans du
tout leur montrer les grosses dents, mais avec une douceur de velours, tout en
leur laissant entendre que Louis était
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