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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre
Autoren: Robert Merle
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tuaient laborieusement d’autres fourmis tandis qu’eux-mêmes se battaient
avec les tempêtes sur les océans infinis. Mais après que les pinasses basques
eurent réussi à forcer le blocus de la flotte anglaise, ce fut au tour des
soldats de leur rendre mépris pour mépris et de condamner sans appel ces
outrecuidants. Car si la guerre était d’ores et déjà perdue, à qui la
faute ? disaient-ils.
    Usant de ce genre de gausserie extravagante que les Anglais
affectionnent, ils ajoutaient que rien que de regarder un marin, « cela
leur donnait mal au cœur ».
    Pressé par ses colonels de saillir au plus vite de ce
guêpier et de réembarquer ce qui lui restait de troupes, le malheureux
Buckingham se voyait supplier par les Rochelais de demeurer et de livrer à la
citadelle une dernière bataille. Il hésitait et Richelieu, assez cruellement,
lui a fait un crime de ses hésitations, le décrivant comme « un homme, qui
pour n’avoir pas la force de se résoudre en une telle occasion, ne savait ni
combattre ni fuir ».
    Le jugement est injuste parce qu’en fin de compte Buckingham
combattit. Il lança toutes ses forces en un ultime assaut contre le fort avec
échelles et grappins. Ce fut quasiment un combat d’ombres, les assiégeants
étant aussi affaiblis que les assiégés.
    Mais ceux-ci ne voulurent pas se laisser à la dernière
minute rober la gloire de leur farouche résistance et ils trouvèrent en eux de
nouvelles forces. Monsieur de Bellecroix – le gentilhomme qui, on s’en
ramentoit, m’avait guidé autour des côtes lors de mon arrivée dans l’île –
était alors fort mal allant et quasi au grabat. À la première canonnade il se
leva tout chancelant et ordonnant à ses hommes de charger pour lui ses
mousquets, il tira une dizaine de coups quasi au corps à corps contre les
assiégeants. Après quoi, les voyant refluer, il alla se recoucher et mourut.
    Les Anglais furent repoussés avec de grandes pertes et le
lendemain, pressés par l’arrivée sur l’île des secours de Monsieur de
Schomberg, ils firent retraite, mais avec une telle lenteur que Schomberg leur
donna furieusement sur la queue au moment où ils s’embarquèrent. Ce fut un
affreux carnage que j’aurai vergogne à conter, tant je conserve d’amitié pour
ce grand peuple, qui sous Élisabeth fut notre ami fidèle et ne peut qu’il ne le
redevienne un jour.
    Quant au siège de La Rochelle, qui fut long, périlleux et
fertile en péripéties inouïes, je n’en dirai ma râtelée que dans le tome
suivant des présents Mémoires. Pour l’heure, je n’aspire qu’à me retirer dans
mes champêtres retraites, goûter l’ombre et le silence après les canonnades
d’enfer, oublier ces massacres aussi glorieux qu’inutiles, reprendre goût à la
vie, me rebiscouler tant l’âme que le corps dans mes affections familiales et,
à Dieu ne plaise, que je souffre d’ores en avant que mon voisin souffre devant
moi de la faim et de la soif.
     
    FIN
     
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