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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre
Autoren: Robert Merle
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résolu au pire, si la négociation
échouait. Et à force de patience et de dextérité, il tira d’eux une quinzaine
de millions d’or. Louis fut aux anges de ce beau coup qui renflouait les
caisses du royaume et il fit ce qu’il n’avait jamais fait jusque-là avec
personne : il demanda conseil à Richelieu quant au choix du futur
surintendant des Finances.
    Cet entretien, dont j’ignorais de prime la teneur, eut lieu
au bec à bec dans la chambre de Sa Majesté et quant à moi, je me trouvais dans
l’antichambre où l’on m’avait mandé, sans que je susse ce que le roi voulait de
moi. Je ne laissais pas que de trouver longuissime le temps que je passais, le
front contre la verrière, à regarder tomber la pluie, laquelle se déversait ce
jour-là, drue et interminable, sur Paris embrumée. En outre, j’avais
imprudemment revêtu à mon lever un pourpoint et des hauts-de-chausse dont
quelque peu je me paonnais, mais qui, hélas, se révélèrent être taillés d’une
étoffe beaucoup trop légère pour la froidure du printemps. Enfin, l’huis de la
chambre royale s’ouvrit et Berlinghen, passant la tête par l’entrebâillure, me
dit :
    — Monsieur le Comte, Sa Majesté requiert votre
présence.
    J’entrai, me découvris, me génuflexai devant le roi, puis
saluai profondément le cardinal et tout en me livrant à ce double exercice,
j’observai que Louis, le chapeau sur la tête, était assis sur une chaire à bras
face à une deuxième chaire à bras qui, elle, se trouvait vide, Richelieu étant
resté debout. J’en conclus que Louis avait offert à Richelieu, en raison de sa
chancelante santé, de s’asseoir en face de lui, mais que le cardinal,
méticuleusement attentif au respect qu’il devait au roi, avait décliné cette
offre.
    Le cardinal était tête nue, tenait d’une main son bonnet
pourpre et de l’autre, sans doute pour soulager ses jambes, s’appuyait sur le
dossier de la chaise. Il atteignait alors l’âge de trente-neuf ans et avait
beaucoup à se glorifier dans la chair, étant grand, mince, le geste gracieux,
la tournure élégante, avec un nez busqué, un visage long et fin qu’éclairaient
deux magnifiques yeux noirs.
    Il paraissait plus que son âge. En revanche, Louis, à
vingt-trois ans, paraissait plus jeune que le sien, ses joues ayant gardé le
velouté de l’enfance, sans que la moindre ride apparût autour de ses yeux. Ses
lèvres étaient restées pleines, elles aussi, et vermeilles. Le caractère le
plus adulte de cette physionomie se décelait dans ses yeux qui portaient un air
d’autorité, de rigueur et de méfiance que démentait par instants une expression
confiante et affectueuse.
    Le cardinal avait seize ans de plus que le roi et l’âge que
l’un et l’autre paraissaient avoir vieillissait le premier et rajeunissait le
second, tant est qu’on eût été tenté de les prendre pour père et fils. À les bien
considérer, il me traversa la cervelle que si le lien, encore neuf et fragile,
qui venait de s’établir entre eux, traversait heureusement les années futures,
Louis, émergeant de la longue nuit où l’avait plongé le meurtre
d’Henri IV, pourrait retrouver une sorte de père dans le conseiller plein
d’usage et raison qui succédait à la parfin à tant de ministres dont
l’insuffisance, ou la rapacité, avait mis l’État en péril.
    À vue de nez, la distance paraissait immense entre le
souverain assis, selon le protocole, son chapeau sur la tête et le prélat
debout à son côté, le chef découvert. Mais au respect quasi sacramentel du
cardinal pour l’Oint du seigneur, il me semblait que répondait déjà la
déférence inexprimée d’un jeune roi, ébloui et conquis par la sagesse,
l’expérience et le savoir d’un aîné.
    — Mon cousin, dit Louis, comme j’entrais dans la pièce,
connaissez-vous le comte d’Orbieu ?
    — Sire, dit le cardinal en m’adressant un sourire
d’autant plus suave qu’étant un des serviteurs les plus proches du roi, je
n’étais pas à ses yeux quantité négligeable, je connais le comte d’Orbieu par
ce que m’en a dit le père Joseph, lequel le tient en haute estime pour trois
raisons. (Même dans son discours quotidien, le cardinal dénombrait toujours ses
raisons.) Primo , il est tout dévoué à son roi. Secundo , il est
très diligent dans le ménage de son domaine d’Orbieu. Et tertio, il a
pris soin, en ses vertes années, de s’instruire de tout, en particulier
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