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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre
Autoren: Robert Merle
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Madame de Candisse est belle à damner un saint, mais c’est la
plus grande dévote de la création. Elle est vêtue de noir, boutonnée jusqu’au
menton, un air lointain et languissant comme si elle n’était déjà plus de ce
monde, et parle d’une voix éteinte. En outre, en sa demeure, ce ne sont, à
profusion, que crucifix, peintures pieuses, statues de la Vierge, images des
saints, odeur d’encens. On se croirait dans un presbytère…
    — Tu as donc poliment refusé son invitation ?
    — Tout le rebours, Monsieur, je l’ai acceptée.
    — Comment cela ?
    — J’ai pensé qu’à tout prendre, mieux valait une dévote
qui fût belle que des jésuites qui ne l’étaient point. Votre œil sera plus
satisfait.
    — Et tu n’as pas craint que je m’ennuyasse avec cette
sainte personne ?
    — Sainte, Monsieur le Comte ? dit La Barge en
levant le sourcil d’un air sagace. Ce n’est qu’à l’essai qu’on peut éprouver la
sainteté d’une femme…
    — Présomptueux béjaune ! dis-je. Oserais-tu me
bailler des leçons du haut de ton expérience ? Tu as fait du chemin depuis
que tu admirais par ouï-dire les bruns tétins de la belle Zohra sans penser que
tu pourrais un jour y porter la main.
    — Que voulez-vous, Monsieur le Comte, dit La Barge qui
venait à peine d’avoir vingt ans, j’ai vieilli…
    Là-dessus, je demandai à La Barge de se jucher à côté de mon
cocher pour lui montrer le chemin pour se rendre en l’hôtel de Candisse.
    — Monsieur le Comte, dit-il en rougissant, moi,
m’asseoir à côté du cocher ? Plaise à vous de me commander de vous
précéder à cheval ! Voilà qui est davantage dans mon rollet !
    — La Barge, si tu étais mousquetaire, sais-tu ce que
cela te coûterait de désobéir à un officier ?
    — Oui, Monsieur le Comte. C’est pourquoi j’ai décidé de
servir un chevalier du Saint-Esprit, bon, humain et miséricordieux.
    — Impertinent La Barge, hâte-toi de mettre ton cul sur
selle avant que j’y mette ma botte !
    C’était là façon de parler. Même quand il était mon page, je
ne l’avais jamais frappé.
    Avant de faire mon entrée en La Flèche, je m’arrêtai en
l’auberge du village, et je revêtis mon plus bel habit et ceignis mon épée de
cour (don de ma bonne marraine, la duchesse de Guise) et présentement, avant
que de départir pour l’hôtel de Madame de Candisse et m’inspirant du propos de
La Barge, je complétai ma superbe vêture par une touche qui me devait valoir,
je l’espérais, l’estime de la belle dévote : je me passai autour du cou
mon cordon bleu de chevalier du Saint-Esprit dont la croix ornée d’une blanche
colombe ne pouvait que flatter celle que j’allais voir.
    L’huis du fort bel hôtel de Madame de Candisse nous fut
déclos par un maigre valet à la livrée quelque peu passée qui appela le maggiordomo, lequel, après un profond salut, me dit qu’il se nommait Monsieur de
Lésignasse, que Madame la Baronne ne pouvait me recevoir dans l’instant, étant
à ses dévotions, qu’elle y serait assez longtemps encore, et probablement
jusqu’au souper, mais qu’en attendant, il était tout à mon service pour tout ce
qu’il me plairait de lui commander.
    Je lui dis alors qu’il ne pourrait me faire plus grand
plaisir que de me faire donner un bain pour me défatiguer de mon long chemin et
qu’il appelât aussi un barbier pour me corriger le contour de la moustache.
Monsieur de Lésignasse se pinça les lèvres d’un air prude à ouïr ce souhait,
trouvant sans doute que je prenais trop de soin de mon corps périssable.
Toutefois, il voulut bien consentir à ma prière et je le remerciai avec
chaleur, quoique aimant assez peu son apparence. C’était un homme fort maigre,
long plutôt que grand, avec des sourcils noirs qui se rejoignaient au-dessus du
nez, des yeux plus souvent baissés que levés et un air qui tenait à la fois du
bretteur et du sacristain.
    Entra alors en scène une petite chambrière assez accorte et
qui n’avait pas du tout l’âge canonique qu’on requiert d’une baigneuse à
l’accoutumée, mais quoiqu’elle fut assez jolie, elle tirait toutefois sur le
maigre, comme tous les serviteurs en ce logis, où l’on devait manger plus de
croûtons que de rôts. Elle me dit d’un ton froid et revêche qu’elle était là
pour me déshabiller. Ce qu’elle fit sans gêne aucune. Pour entrer en
conversation, je lui demandai son nom, à quoi elle fit une
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