Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
de l’aventurier, Vitry, qui était capitaine aux
gardes, fut par le roi élevé à la dignité de Maréchal de France, sans qu’on
osât jamais dans la suite lui confier une armée, et Du Hallier, qui était son
lieutenant, fut nommé à sa place capitaine aux gardes et fit de son mieux pour
remplir ces fonctions, ayant les muscles plus étoffés que les mérangeoises.
    Du Hallier avait la membrature carrée, le visage fruste et
tanné, le nez fort gros, la bouche fort large, le cheveu roux, l’œil petit et
niais. Dès qu’il me vit, il se jeta sur moi et m’embrassa à l’étouffade, mais
en toute sincérité. À ses yeux j’étais et demeurerai jamais jusqu’à la fin de
mes terrestres jours un « conjuré du vingt-quatre avril ».
C’est-à-dire ce qu’il y avait de mieux à la Cour et, en outre, le défenseur
impavide de Monsieur de Schomberg, lequel chez les gardes royaux était fort
populaire.
    M’ayant donné ainsi une forte brassée, Du Hallier me prit le
bras dans l’étau de sa forte main, et m’amena choisir un carrosse pour ma
mission.
    — Comment cela, Du Hallier ? dis-je, au comble de
l’étonnement, vous voulez me bailler un des carrosses du roi ?
    — Il n’y en a pas d’autre céans, dit Du Hallier.
    — Mais les armoiries du roi sont peintes sur les
portes ! dis-je en faisant le tour de la demi-douzaine de carrosses dorés
qui se trouvait dans la remise.
    — Voudriez-vous qu’on les effaçât pour vous ? dit
Du Hallier avec un rire si bruyant qu’un étalon, dans la proche écurie, se mit à
hennir comme fol et tapa du sabot contre sa porte.
    — Ce pauvre Rhamsès, dit Du Hallier, s’énerve à la
moindre noise. On lui a enlevé sa jument favorite hier pour que le gros
couillard repose un peu son guilleris, vu qu’on lui amène ce lundi une jument
de bonne race à saillir. Eh bien ! le croyez-vous, d’Orbieu, on baille à
ce faquin les plus belles pouliches du royaume. Il les saille, certes. Mais à
toutes il préfère sa jument, laquelle a bientôt quinze ans !…
    Sachant que Du Hallier n’aimait, ne respirait, ne rêvait, et
ne parlait que cheval (dont il portait de reste sur lui l’odeur irrémédiable),
je me hâtai de remettre l’entretien dans ses brancards.
    — Du Hallier, de grâce ! Ces portes
armoriées ! Voudriez-vous que partout où je passe, on m’aille prendre pour
le roi ?
    — Il n’y a pas péril ! Le roi ne voyage qu’à grand
train et le vôtre sera tout petit ! Une mesquine escorte de mousquetaires
commandée par un petit lieutenant de merde et une seule charrette pour les impedimenta  !
    Ce mot latin désignait les bagages encombrants et si Du
Hallier le connaissait, ce qui paraissait à vue de nez très étonnant, c’est
qu’il se trouvait écrit en toutes lettres dans le règlement des Gardes. D’autre
part, l’expression « petit lieutenant de merde » n’avait rien de
méprisant dans la bouche d’un capitaine aux Gardes. Bien au rebours, elle était
coutumière.
    — Et qui sera ce lieutenant ?
    — Mon cousin, Monsieur de Clérac. Il vous plaira. C’est
moi qui l’ai proposé pour le poste de lieutenant dans la compagnie des
mousquetaires que le roi a créée il y a deux ans. Il est périgourdin comme
votre père. Çà ! Orbieu, quel carrosse choisissez-vous ?
    — Le meilleur…
    — C’est celui de Sa Majesté !
    — Alors, le plus solide.
    — C’est celui de Sa Majesté !
    — Alors, le mieux suspendu !
    — Mais c’est le même ! cria Du Hallier en riant à
gueule bec.
    Et derechef, Rhamsès se mit à hennir et à toquer comme fol
du sabot contre sa porte.
    — Mon cher Du Hallier, le temps me presse. Choisissez
vous-même ce carrosse. Je me fie entièrement à vous.
    Là-dessus, je le quittai non sans qu’il m’étouffât derechef
par ses embrassements et je courus, tout meurtri, retrouver Monsieur de
Marillac qui occupait la surintendance des finances en attendant de devenir
l’adjoint de Monsieur de Schomberg. Je le trouvai en compagnie du chancelier
qui me remit une lettre pour Schomberg, laquelle le remettait dans sa charge de
surintendant. Il ajouta de vive voix que Sa Majesté comptait d’ici quelques
mois le nommer Maréchal de France.
    — Le voilà comblé ! dit Monsieur de Marillac qui
me parut aussi roide, abrupt et escalabreux que le chancelier était suave et
poli. Schomberg va toucher à lui seul deux gros émoluments : l’un, comme
surintendant des Finances,
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher