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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre
Autoren: Robert Merle
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charger de vivres et de
munitions. Et il en faut enfin pour attendre un bon vent de noroît qui dans le
pertuis breton les pousse jusqu’à nous.
    — Les pousse  ? Y sont-elles déjà dans le
pertuis ?
    — Oui-da ! dit-il triomphalement. Nos forces sur
le continent ont disposé sur leur chemin de petits bateaux rapides, lesquels
renseignent à terre des chevaucheurs, lesquels galopent à brides avalées
jusqu’au Fort Louis qui nous signale leur progression jour après jour. Mon ami,
si le noroît ne refuse pas, les pinasses seront céans dans la nuit du sept au
huit octobre, c’est-à-dire par le gros de la nouvelle lune.
    — Le gros de la nouvelle lune ? Que veut dire ce
jargon ?
    — À la marée haute et par nuit noire.
    — Et comment se guideront-elles par nuit noire ?
    — Mais par les lumières du fort.
    — Dieu bon ! m’écriai-je au comble de la joie.
Est-ce mon Dieu possible ?
    Le six octobre, de nouveau, Toiras me fit appeler en sa maison
pour un entretien au bec à bec, et là sans un mot il me tendit un court billet
signé de son nom et frappé de son sceau – billet qu’il destinait, me
dit-il, à nos forces du continent. Et voici ce que j’y lus :
     
    « Envoyez-moi les pinasses
le huit du mois d’octobre. Car le soir du huit, je ne serai plus dans la place,
faute de pain. »
     
    Je fus béant, et si incrédule que je relus le mot deux fois
avant d’en entendre le sens.
    — Qu’est cela, Monsieur de Toiras ? Qu’est
cela ? m’écriai-je, trémulant et bégayant dans mon ire. Allez-vous
capituler si près de la délivrance ?
    — Oui-da ! dit Toiras en riant à ventre
déboutonné, moi Toiras, je vais capituler ! Et dès le lendemain sept
octobre, j’engagerai des pourparlers avec Bouquingan pour la reddition de la citadelle !
    — La reddition ! m’écriai-je, tout à plein hors de
mes gonds. Monsieur de Toiras, avez-vous perdu le sens ? La reddition,
morbleu ! Est-il un mot plus infâme ?
    Mais Toiras riant de plus belle, j’en vins à soupçonner
qu’il me tirait la jambe, et je dis plus doucement :
    — Allons ! C’est assez vous gausser, Monsieur de
Toiras. Dites-moi ce qu’il en est !
    — Mon ami, si vous avez cru de moi que j’allais me
rendre, raison de plus pour que Bouquingan le croie. Pardonnez-moi, mon ami, de
vous avoir joué cette petite comédie, mais je voulais essayer sur vous le
succès de cette ruse dont j’attends beaucoup. Ce billet que vous avez lu
destiné au continent sera porté par un homme qui a pour mission de se faire
prendre par l’Anglais. Et mon offre de reddition le lendemain sera là pour
confirmer mon message. L’Anglais en conclura qu’il a partie gagnée et dans
l’ivresse de la victoire relâchera quelque peu sa surveillance et sur terre et
sur mer. Sur terre, peu me chaut. Mais sur mer, il se peut que ce relâchement
facilite le passage des pinasses à travers l’escadre ennemie.
    Lecteur, My Lord Buckingham devait dire plus tard qu’il
s’était beaucoup méfié de cette offre de reddition et qu’il avait donné l’ordre
à sa flotte de redoubler de vigilance. Mais que pouvait-il dire d’autre, sinon
avouer que Toiras l’avait joué ?
    Cette nuit du sept au huit octobre je veillai et je gardai
une lanterne allumée à côté de mon lit où dormait, tendre et chaste, à mes
côtés Marie-Thérèse. Je dis chaste, et en effet, elle l’était et avec moi et
avec Nicolas, dont un jour sur deux elle partageait la couche.
    Bien que j’attendisse qu’il se produisît, je fus comme
étonné par le soudain et terrifiant assourdissant vacarme quand éclatèrent tout
à la fois les mousquetades et les canonnades. Le temps de me vêtir et de courir
jusqu’au musoir , ma lanterne à la main, les pinasses étaient là. Et je
vis Toiras, de l’eau jusqu’aux cuisses, accueillir les sauveurs les bras
ouverts au cri cent fois répété et par lui et par tous de « Vive le
roi ! »
    Le lendemain, sur les huit heures du matin, les Anglais
virent sur les remparts de notre citadelle surgir en haut de nos piques des
flacons de vins, des chapons, des dindons, des jambons, des cuisses de mouton,
des quartiers de bœuf, des sacs de farine, que sais-je encore ? Toiras se
promena avec moi, le long des remparts, et il fut si longtemps silencieux que
je me demandais si mon verveux Gascon avait perdu sa langue, lui qui en jouait
si bien. Vramy, il cuvait tout bonnement sa profonde joie ! Cependant à
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