Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2
Autoren: Irwin Shaw
Vom Netzwerk:
sur les collines, vers le nord. Ils passèrent devant une ferme retirée de la route, qui dormait, inanimée, sous le soleil couchant. Elle avait été récemment repeinte ; le mur de pierres qui l’entourait, soigneusement blanchi à la chaux. Le mur blanc virait lentement au bleu pâle, dans les rayons horizontaux du soleil, qui se reflétaient, en outre, sur les ailes d’un groupe de chasseurs regagnant leur base après une mission accomplie.
    D’un côté de la route s’étendait la forêt de pins et d’aulnes aux troncs sombres, presque noirs contre le fond clair des feuillages neufs. Le soleil se glissait à travers les feuilles et tombait en petites taches brillantes sur les fleurs nouvelles, entre les arbres. Le camp était derrière eux, l’air, chauffé par l’ardent soleil de la journée, résineux et aromatique. Les semelles de caoutchouc de leurs souliers de combat faisaient un bruit étouffé, un bruit civil, sur l’asphalte de l’étroite route. Ils marchaient en silence et dépassèrent, bientôt, une seconde ferme. Celle-ci, comme la précédente, était close et inanimée derrière ses volets hermétiques, mais Michael avait la sensation d’être observé, à travers les claires-voies. Il n’avait pas peur. Il ne paraissait rester en Allemagne que des enfants, des millions d’enfants, des vieilles femmes et des mutilés. C’était une population polie et aussi peu guerrière que possible, qui saluait impartialement, au passage, les Jeeps et les tanks des Américains et les camions chargés de prisonniers allemands.
    Trois oies se dandinaient dans la poussière de la basse-cour. « Farcies, pour le repas de Noël », songea nonchalamment Michael. Il se remémora les panneaux de chêne et les scènes wag nériennes peintes sur les murs du restaurant de Luchow, dans le 14 e Rue, à New York.
    La forêt s’étendait, à présent, des deux côtés de la route. De grands arbres verts, à l’odeur de printemps, aux racines enveloppées des feuilles mortes de l’hiver.
    Noah n’avait pas dit un mot depuis qu’ils avaient quitté le bureau de Green, et Michael fut surpris d’entendre la voix de son ami par-dessus le bruit traînant de leurs semelles sur l’asphalte.
    –  Comment te sens-tu ? demandait Noah.
    Michael réfléchit un instant.
    –  Mort, blessé et manquant à l’appel, dit-il.
    Ils parcoururent une vingtaine de mètres.
    –  Ce n’était pas beau à voir, pas vrai ? dit Noah.
    –  En effet.
    –  On le savait, dit Noah. Mais on ne pensait pas que ça puisse être aussi horrible.
    –  Non, dit Michael.
    –  Des êtres humains…
    Ils marchèrent, écoutant le son de leurs semelles de caoutchouc, sur la route allemande, entre les rangées de jolis arbres bourgeonnants.
    –  Mon oncle, dit Noah, le frère de mon père, il a fini dans un de ces camps. Tu as vu les fours ?
    –  Oui, dit Michael.
    –  Je ne l’ai jamais connu. Mon oncle, je veux dire.
    Le pouce glissé sous la courroie de son fusil, il avait
    l’air d’un petit garçon revenant de la chasse aux lapins.
    –  Lui et mon père s’étaient fâchés. En 1905, à Odessa. Mon père était un imbécile. Mais il connaissait ces choses. Il était venu d’Europe. Je ne t’ai jamais parlé de mon père.
    –  Non, dit Michael.
    –  Mort, blessé et manquant à l’appel, dit doucement Noah.
    Ils marchaient d’un bon pas, sans hâte, le pas du soldat, soixante-quinze centimètres, un pas qui couvre du terrain.
    –  Tu te souviens, demanda Noah, de ce que tu as dit, au dépôt de reclassement : « Cinq ans après la guerre nous repenserons avec regret aux balles qui nous auront manqués ».
    –  Oui, dit Michael. Je m’en souviens,
    –  Le penses-tu encore, à présent ?
    Michael hésita.
    –  Je n’en sais rien, admit-il honnêtement.
    –  Cet après-midi, reprit Noah, en marchant de son pas réglementaire, délibéré, j’étais d’accord avec toi. Quand cet Albanais s’est mis à parler, j’étais d’accord avec toi. Non parce que je suis Juif. Du moins, je ne le pense pas. Mais en tant qu’être humain… Quand cet Albanais s’est mis à parler, j’ai failli sortir dans le corridor et me flanquer une balle dans la tête.
    –  Je sais, dit doucement Michael. J’ai éprouvé la même impression.
    –  Et Green a dit ce qu’il avait à dire.
    Noah s’arrêta et contempla les cimes des arbres vert doré dans le soleil d’or.
    –  Je garantis… Je
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher