Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2
Autoren: Irwin Shaw
Vom Netzwerk:
garantis…
    Il soupira.
    –  Je ne sais si t’es de mon avis, dit-il, mais j’ai beaucoup d’espoir pour le capitaine Green.
    –  Moi aussi, dit Michael.
    –  Après la fin de la guerre, dit Noah d’une voix forte, c est Green qui dirigera le monde et pas ce salaud d’Albanais…
    –  Et comment ! dit Michael.
    –  Les êtres humains dirigeront le monde !
    Noah criait, à présent, au milieu de la route sombre, criait vers les cimes des arbres que touchaient encore les rayons du soleil.
    –  Les êtres humains ! Il y a des tas de capitaines Green ! Il n’est pas extraordinaire ! Il y en a des millions !
    Noah se tenait très droit, la tête renversée en arrière, hurlant comme un dément, comme si toutes les choses qu’il avait refoulées et fanatiquement gardées au fond de lui, depuis des mois, faisaient finalement explosion.
    –  Les êtres humains ! cria-t-il, comme si ces deux mots avaient été une incantation magique, contre la mort et le chagrin, un bouclier subtil et imprenable pour sa femme, pour son fils, un paiement usuraire des souffrances subies au cours des dernières années, une promesse et une garantie pour l’avenir… Le monde est plein d’êtres humains !…
    Ce fut alors que les coups de feu retentirent…
    Christian était réveillé depuis cinq ou six minutes lorsqu’il entendit les voix. Il avait dormi lourdement, et, lorsqu’il s’était éveillé, il avait immédiatement compris, d’après la position des ombres dans la forêt, que l’après-midi tirait à sa fin. Mais il avait été trop las pour se mouvoir. Il était demeuré allongé sur le dos, regardant le sylvestre ciel-de-lit qui bougeait doucement au-dessus de sa tête, écoutant les bruits de la forêt, les appels des oiseaux dans les hautes branches, les bruissement des feuilles dans le vent. Un groupe d’avions l’avait survolé, et il les avait entendus, bien qu’il ne puisse voir les appareils à travers les arbres. Une fois de plus, le bruit des avions l’avait fait amèrement réfléchir à l’abondance au sein de laquelle les Américains avaient livré cette guerre. Pas étonnant qu’ils l’eussent gagnée. « C’étaient des soldats médiocres, pensa-t-il pour la centième fois, mais quelle importance ? Avec tous ces avions et tous ces tanks, une armée de vieilles femmes et de vétérans de la guerre franco-prussienne eût facilement gagné la guerre. Avec un seul tiers de cet équipement, pensa-t-il, apitoyé par son propre sort, l’armée allemande eût gagné la guerre. » Ce misérable lieute nant, au camp, qui s’était plaint parce que la jeune génération n’avait pas su perdre convenablement la guerre, comme sa propre classe ! S’il s’était plaint un peu moins et qu’il ait travaillé un peu plus, peut-être la guerre eût-elle pris une autre tournure ? Quelques heures de plus à l’usine et quelques heures de moins dans les manifestations et les fêtes du parti, et ces avions qui volaient dans le ciel allemand seraient peut-être des avions allemands, et le lieutenant ne serait peut-être pas allongé, mort, devant son propre bureau, et lui, Christian, ne serait peut-être pas obligé de fuir devant les Américains, comme un renard devant les chiens.
    Puis il entendit les pas, qui venaient dans sa direction, sur la route. Il n’était qu’à dix mètres de la route, bien caché, mais avec un bon champ visuel dans la direction du camp, et bientôt il aperçut les deux Américains. Il les observa curieusement, sans encore rien ressentir. Ils marchaient d’un pas ferme, régulier, et ils avaient leurs fusils avec eux. L’un d’eux, le plus grand, l’avait à la main, l’autre avait le sien sur l’épaule. Ils portaient leurs casques absurdes, bien qu’ils n’eussent plus à craindre de shrapnel jusqu’à la prochaine guerre, et ils ne regardaient ni à droite, ni à gauche. Ils bavardaient à haute voix, et il paraissait évident qu’ils se sentaient chez eux, en sécurité, comme si la pensée qu’un Allemand embusqué pourrait encore bien les descendre ne leur était même pas venue à l’esprit.
    S’ils continuaient dans cette direction, ils passeraient à dix mètres de Christian. Il sourit en y pensant, bien qu’il ne se sentît nullement amusé. Silencieusement, il leva sa mitraillette. Puis il réfléchit. Il y en avait probablement des centaines d’autres, à présent, dans les environs, et les coups de feu les attireraient sur les
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher