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Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2
Autoren: Irwin Shaw
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à présent, le survivant devait être déjà en train de courir vers son unité, quelle qu’elle soit, pour chercher du renfort. « Mais, pensa Christian, si l’homme qu’il avait touché n’était que blessé, son camarade devait être encore avec lui, et, cloué sur place, incapable de se mouvoir rapidement ou silencieusement, il ferait une cible idéale… »
    Christian sourit. « Encore un, dit-il, et je me retire de la guerre. » Il regarda prudemment le fusil abandonné au milieu de la route, scruta le terrain en pente douce, garni de buissons et de troncs d’arbres, qui le séparait de l’endroit où il gisait, terne dans le jour défaillant. Rien ici. Aucune indication.
    Courbé en deux, avec une grande circonspection, Christian s’enfonça dans la forêt, décrivit un large cercle…
    La main droite de Michael était paralysée. Il ne s’en était pas aperçu jusqu’à ce qu’il se penchât pour déposer Noah sur le sol. L’une des balles avait frappé le fusil que portait Michael, et, tout en le lui arrachant, lui avait à moitié démoli le poignet. Dans sa hâte à saisir Noah pour le traîner jusque sous le couvert des bois, il ne s’en était pas aperçu, mais, à présent, tandis qu’il se penchait sur le blessé, la paralysie de son bras droit augmentait encore le caractère redoutable de la situation.
    Noah avait été touché à la gorge, à la base de la gorge, légèrement à gauche. Il saignait énormément, mais il respirait toujours, à petits coups irréguliers. Il avait perdu connaissance. Michael s’agenouilla près de lui, appliqua un bandage sur la blessure. Mais le sang coulait toujours. Noah gisait sur le dos. Son casque avait roulé dans un massif de fleurs roses, courtes en tiges. Son visage avait retrouvé son expression lointaine, chèrement acquise. Ses yeux étaient clos, et ses cils blonds, recourbés, restituaient à la partie supérieure de son visage sa vieille expression de jeunesse et de féminité.
    Michael ne le regarda pas longtemps. Son cerveau semblait fonctionner avec difficulté. « Je ne peux pas le laisser ici, pensait-il, et je ne peux pas le porter, parce que ce serait le meilleur moyen d’y passer tous les deux. »
    Une branche remua, au-dessus de sa tête. Michael rejeta violemment sa tête en arrière, se souvenant soudain de l’endroit où il se trouvait et que l’homme qui avait blessé. Noah s’apprêtait, sans doute, à le descendre. Ce n’était qu’un oiseau, cette fois, qui venait de s’envoler au-dessus de sa tête, mais la prochaine fois, ce serait un homme armé, prêt à tirer.
    Michael se pencha. Il souleva Noah, doucement, et lui prit son fusil. Il baissa les yeux vers lui, une dernière fois, et pénétra dans la forêt le temps de faire un pas ou deux, il continua d’en tendre la respiration courte, mécanique, du blessé. C’était épouvantable, mais il faudrait que Noah respire, ou ne respire pas, seul, pendant quelques instants.
    « Cette fois, c’est la bonne », pensa Michael. Mais c’était la seule solution. Trouver l’homme qui avait tiré ces deux coups de feu avant que l’homme le trouve lui-même. La seule solution. Pour Noah. Pour lui-même.
    Il sentait son cœur battre au galop et ne cessait pas de bâiller, nerveusement. Il était certain qu’il allait se faire tuer.
    Il marchait lentement, prudemment, plié en deux, en s’arrêtant fréquemment, derrière les troncs des arbres, pour écouter. Il entendait sa propre respiration, un chant d’oiseau, le bourdonnement d’un insecte, l’appel rauque d’une grenouille, dans quelque mare voisine, le bouillonnement des feuillages dans la brise légère. Mais aucun bruit de pas, aucun cliquetis d’équipement militaire, aucun claquement de culasse repoussée.
    Il s’éloignait de la route, de l’endroit où Noah gisait, la gorge trouée. Il s’enfonçait toujours davantage dans la forêt. Michael n’avait pas réfléchi à la sagesse de sa manœuvre. Il avait senti, presque instinctive : ment, qu’en restant près de la route il risquait de se faire acculer à un espace découvert et courait un danger plus grand encore, puisque la forêt y était moins dense.
    Ses lourds souliers écrasaient les rameaux et les feuilles mortes avec un bruit considérable, et sa propre maladresse l’exaspérait. Mais il avait beau ralentir, il n ’arrivait pas à progresser silencieusement.
    Il s’arrêtait fréquemment, pour écouter, mais n’entendait,
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