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Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2
Autoren: Irwin Shaw
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broussailles, droit vers lui, fusil au niveau de la hanche, pointé vers Michael. L’homme n’était qu’une silhouette sombre, en mouvement contre le fond vert pâle des feuilles. Tandis que Michael le regardait, immobile, l’homme ouvrit le feu, sans lever son arme. Trop court. Michael entendit les balles s’enfoncer devant lui, dans la terre, et reçut en plein visage des petits blocs de terre délogés par la rafale. L’homme courait toujours.
    Michael s’accroupit. Automatiquement, il arracha la grenade qui pendait à sa ceinture, ôta la goupille, se leva. L’homme était beaucoup plus près, très près. Michael compta jusqu’à trois, lança la grenade, se jeta violemment contre le flanc du ravin, et cacha sa tête. « Seigneur ! pensa-t-il, le visage pressé contre la terre humide, je me suis même souvenu de compter !
    Il lui sembla que l’explosion mettait longtemps à se produire. Puis il entendit les morceaux d’acier siffler au-dessus de sa tête et s’enfoncer dans les arbres, alentour. Des feuilles tranchées descendirent vers lui avec un bruit d’ailes.
    Assourdi par l’explosion, Michael n’était pas absolument certain d’avoir entendu un cri.
    Il attendit cinq secondes et regarda par-dessus le bord du ravin. Personne ! Un peu de fumée s’élevait de l’endroit où avait atterri la grenade, arrachant la mousse et les feuilles mortes, puis, Michael vit décroître, de l’autre côté de la clairière, les oscillations excentriques du sommet d’un buisson et comprit que l’homme s’était replié dans cette direction. Il ramassa son fusil, dont le canon reposait entre deux pierres rondes. Il l’examina. Ni terre ni débris ne paraissait avoir pénétré dans le canon. Il constata avec étonnement que ses mains étaient couvertes de sang, et, lorsqu’il porta la main à sa pommette douloureuse, il la ramena souillée de terre et de caillots de sang.
    Lentement, il sortit du ravin. Son bras droit le faisait beaucoup souffrir, et le fusil glissait dans ses mains déchirées et sanglantes. Sans essayer de se cacher, il traversa la clairière, enjambant le petit entonnoir laissé par sa grenade. Cinq mètres plus loin, il vit, accroché à une jeune pousse, quelque chose qu’il prit tout d’abord pour un vieux chiffon. Mais c’était un fragment d’uniforme, littéralement saturé de sang frais.
    Michael se dirigea lentement vers le buisson qu’il avait vu remuer. Il y avait du sang sur les feuilles, beaucoup de sang. « Il n’ira pas loin, songea Michael, il n’ira pas loin à présent. » Il était facile, même à un citadin, de suivre à travers les arbres la piste de l’Allemand en fuite. Michael dépassa un endroit où les feuilles écrasées et les taches de sang lui apprirent que l’homme était tombé, puis s’était relevé, déracinant un petit arbuste, et avait continué à fuir.
    Lentement, impitoyablement, Michael acculait Christian Diestl.
    Christian s’assit, délibérément, contre le tronc d’un gros arbre, faisant face au sentier par lequel il était venu. Il faisait frais, à l’ombre de cet arbre, mais des lambeaux de soleil s’accrochaient encore, obliquement, au sommet des buissons qu’il avait écartés pour parvenir à cet endroit. L’écorce de l’arbre était compacte et rude, derrière son dos. Il essaya de lever son Schmeisser, mais sa main n’était plus capable d’en supporter le poids. Contrarié, il repoussa le fusil, qui glissa sur la mousse, et regarda l’étroit sentier, entre les buissons, où, il le savait, l’Américain n’allait pas tarder à paraître.
    « Une grenade, songeait Christian, qui diable aurait pensé à cela ? » L’Américain maladroit et lourd, s’effondrant dans le ravin sans qu’il soit besoin de l’y pousser… Et puis, soudain jaillie du ravin, une grenade…
    Il respirait avec difficulté. « Tant de chemin parcouru, pensait-il, tant de souffrances, tant de fuites. » Bah, il n’aurait plus besoin de fuir, à présent, plus besoin de courir. Son esprit fonctionnait par à-coups, comme un mécanisme détraqué. Les bois, sur la route de Paris, et le garçon de Silésie, mort avec les lèvres barbouillées de jus de cerise… Hardenburg, sur la motocyclette, Hardenburg avec son visage labouré jusqu’en ses fondations, l’Américain stupide, à demi nu, qui avait tiré du pont miné, en Italie, jusqu’à ce que la mitrailleuse le couchât à son tour… Gretchen, Corinne,
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