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Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2
Autoren: Irwin Shaw
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était clairement marqué sous sa peau. Il ne devait pas peser plus de trente-cinq kilos, et, parce son corps s’était dépouillé de l’habituelle enveloppe de chair, il paraissait démesurément allongé, d’une grandeur surnaturelle et totalement disproportionnée.
    Quelques coups de feu retentirent dans l’enceinte du camp, et Michael et Noah suivirent Green à l’extérieur de la baraque. Trente-deux des gardes, qui s’étaient barricadés à l’intérieur du bâtiment de briques où se trouvaient les fours crématoires dans lesquels les Allemands avaient brûlé des prisonniers, s’étaient rendus en voyant les Américains, et Crane avait tenté de les abattre. Il était parvenu à blesser deux des gardes avant que Houlihan puisse lui arracher son fusil. L’un des deux blessés était assis sur le sol et pleurait. Les mains jointes en travers de son ventre. Du sang coulait à petits jets, entre ses doigts. Il était très gras, avec la nuque à trois bourrelets des buveurs de bière. Il avait l’air d’un enfant rose et trop gâté, assis par terre, et gémissant pour attendrir sa nurse.
    Les yeux fous, la respiration haletante, Crane tentait d’échapper à Pfeiser et à Houlihan qui le retenaient. Lorsque Green donna l’ordre d’enfermer les gardes dans le chalet du commandant, Crane décocha un coup de pied dans les côtes du gros homme qu’il avait blessé. Le gros homme se mit à sangloter. Il fallut quatre hommes pour le porter dans le chalet.
    Green ne pouvait pas faire grand-chose. Mais il installa son quartier général dans le bureau du commandant et donna une série d’ordres clairs et simples, comme si le travail quotidien d’un capitaine d’infanterie de l’Armée américaine consistait à démêler le chaos qui régnait au centre du monde. Il renvoya sa Jeep vers l’arrière, avec mission de ramener une équipe de médecins et un camion de rations concentrées. Il fit décharger toute la nourriture de la compagnie et la fit emmagasiner sous bonne garde, dans les locaux administratifs, avec ordre de la répartir – prudemment, pour éviter les accidents – entre les cas les plus désespérés découverts et signalés par les escouades qui visitaient les baraquements. Les trente Allemands étaient gardés à vue au fond du couloir, devant la porte du capitaine, seul endroit où ils pouvaient jouir d’une sécurité absolue.
    Michael, qui, avec Noah, servait à Green de messager, entendit l’un des gardes expliquer à Pfeiffer qui, fusil au poing, les surveillait, que tout ceci était terriblement injuste, qu’ils n’avaient été affectés à ce camp que depuis une semaine, qu’ils n’avaient jamais fait de mal aux prisonniers, que le bataillon de S. S. qui, pendant trois ans, avait torturé et fait mourir de faim les occupants du camp était probablement, à l’instant même, en train de boire du jus d’orange dans un camp américain… Il y avait un grand fond de justice dans les doléances du pauvre garde de la Volkssturm, mais Pfeiffer se contenta de lui répondre :
    –  Ferme ta gueule avant que je mette mon soulier dedans.
    Les prisonniers libérés possédaient un comité militant, qu’ils avaient choisi en secret, une semaine plus tôt, pour gouverner le camp à l’arrivée des libérateurs. Green fit venir le leader du comité, un petit quinquagénaire desséché, qui avait un curieux accent et parlait l’anglais d’une manière fort académique. Cet homme s’appelait Zoloom et avait été, avant la guerre, dans les Affaires étrangères albanaises. Il dit à Green qu’il était prisonnier depuis trois ans et demi. Il était complètement chauve, avait des petits yeux noirs et fixes, dans un visage qui, pour une raison ou pour une autre, semblait encore plutôt gras. Il avait un air d’autorité et seconda efficacement Green en organisant, avec les prisonniers les moins affaiblis, des équipes de travail qui vidèrent les baraquements des morts qu’ils contenaient, classèrent et répartirent les malades en trois catégories : mourants, état critique et hors de danger. Seuls, d’après les ordres de Green, furent alimentés, au début, les hommes dans la seconde catégorie, à l’aide du petit stock de vivres extrait des camions de la compagnie et des hangars pratiquement vides du camp. Les mourants furent simplement étendus côte à côte le long d’une des rues, où ils purent s’éteindre en paix, avec l’ultime consolation d’avoir revu
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