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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch
Autoren: Jean-François Parot
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, chez lui si délicat de sentiments, n'est encore pas assez .
    Semacgus gronda.
    — Notre ami était plus gai compagnon lorsqu'il fréquentait la jeune dame de la rue Saint-Honoré.
    Il y eut un silence à l'évocation de la Satin, liaison de jeunesse du commissaire ; elle dirigeait désormais Le Dauphin couronné . Les tendres liens qui les unissaient ne s'étaient jamais tout à fait distendus. Nicolas fut surpris de les savoir si au fait de son privé, et réconforté de ne trouver dans leurs propos aucune aigreur, mais au contraire la manifestation attentive et indulgente de leur affection à son égard.
    — Allons, reprit La Borde, en attendant le retour de l'enfant prodigue qui ignore ce qu'il manque, que la magistrature opère. Mesdames, procédez !
    Il y eut des bruits qui intriguèrent Nicolas et l'engagèrent à jeter un œil par la porte entrebâillée. La scène qui s'offrit à son regard lui rappela celles que les amateurs appréciaient et admiraient chaque année au Salon. La vision d'un intérieur refermé sur lui-même, et dont l'harmonie paraissait favoriser la jouissance des agréments de la nature et de la société. La lumière des fines chandelles éclairait doucement un moment charmant d'intimité. Dans cette belle pièce, où trois murs s'ornaient de livres précieux enchâssés dans des bibliothèques de bois clair, les quatre convives occupaient une table ovale ornée d'un surtout d'argent représentant L'Enlèvement d'Omphale . Poitevin le nettoyait avec un soin maniaque et renâclait lorsqu'une fête carillonnée, ou une grande occasion, justifiait l'exhibition de cet objet sur la table, comme l'ostensoir d'une éclatante liturgie gourmande. Deux flambeaux du même métal flanquaient cette pièce de maître. La Borde, Semacgus et Bourdeau observaient M. de Noblecourt, en grande perruque régence et habit noir à boutons de jais, qui s'apprêtait à ouvrir une étrange cérémonie.
    Devant la table de desserte, Poitevin immobile tenait dans ses mains une bouteille à demi sortie d'un rafraîchissoir ; il avait l'œil fixé sur une monumentale tour de pâte dorée déposée devant son maître. Contre la croisée, assise sur une bergère, Marion, le menton sur le pommeau de sa canne, semblait fascinée. Enfin, comme deux lévites assistant le grand prêtre, Awa la cuisinière africaine de Semacgus et Catherine Gauss tenaient de leurs quatre mains un linge fin qu'elles abaissaient peu à peu sur la tête de M. de Noblecourt au fur et à mesure que celui-ci s'inclinait pour trouver le meilleur point de découpe de la splendeur dorée. La pointe du couteau tranchant pénétra dans la croûte, le linge dissimula la tête du sacrificateur. Dans un silence religieux, un léger sifflement chuintant suivi d'une profonde inspiration du magistrat se firent entendre, accompagnés d'un gémissement de plaisir et presque de volupté, auquel correspondit une rumeur d'approbation de l'assemblée. Marion, sans doute l'inspiratrice sinon l'artisan de cette réussite, soupira d'aise à son tour. Poitevin sortit la bouteille et commença à servir. Les deux cuisinières replièrent précautionneusement le linge et les convives applaudirent tant le geste cérémoniel s'était trouvé empreint de perfection. Avec une prestesse dont on ne l'aurait plus cru capable, le grand prêtre découpa une calotte de pâte et s'apprêtait à plonger la fourchette dans le puits des merveilles quand Semacgus, qui l'observait, l'arrêta.
    — Et que comptiez-vous faire ? Vous serait-il par hasard passé dans l'esprit l'idée de piocher dans le moelleux de cette croûte pour y pêcher les splendeurs qu'elle renferme ? Et quid de votre goutte, monsieur ? Entendez-vous, monsieur, aux yeux et à la barbe de la Faculté, éteindre le feu d'une humeur qui fait le charme de vos propos et dont raffolent vos amis, pour le seul et vain plaisir d'une gourmandise dont vos mains, vos genoux, et vos pieds souffriront pendant des jours ? Comptez-vous pour rien le chagrin et la peine de Marion, auteur de ce bastion de succulence à l'assaut duquel vous montez comme un jouvenceau, et qui se tiendra alors pour responsable de vos désastres. Il s'ensuivra un réveil de ses rhumatismes suivi d'une mélancolie dont, monsieur, je vous tiendrai pour seul coupable. N'était-il pas convenu qu'en vous laissant le privilège de la première fumée odorante sortie de ce mets, vous bénéficieriez ainsi d'un privilège unique dont nous
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