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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch
Autoren: Jean-François Parot
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nausée. Quelle erreur avait été la sienne de croire que la fête, du seul fait de son départ précipité, serait abrégée !
    Casimir apparut, portant un plateau. Nicolas se rencoigna dans l'ombre. Le domestique sortit de l'office les bras encombrés de bouteilles. Il songea, se plongeant avec ravissement dans un sentiment de mesquinerie inhabituel, à la précieuse bouteille de vieux tokay de Hongrie acquise à grand prix chez le maître d'hôtel de l'ambassadeur d'Autriche. Ce gaillard arrondissait ses gages en négociant du vin de son pays venu dans les bagages de son maître et procurait par ailleurs à M. de Sartine d'intéressantes informations. Julie en raffolait pour accompagner les truffes, les cailles et le pâté de foie gras à la manière du maréchal de Soubise. Nicolas décida de récupérer la bouteille qu'il avait déposée à l'office en fin d'après-midi. Elle avait été heureusement épargnée par les agapes de la soirée et attendait toujours sans doute protégée par sa voilette de poussière et de toiles d'araignée et par l'amoncellement de plats dévastés. Il dissimula le flacon dans la poche intérieure de son manteau, ainsi n'arriverait-il pas les mains vides rue Montmartre, où il avait l'intention finalement de se rendre. Comme il se tournait, il se retrouva nez à nez avec le jeune homme du piano-forte qui, appuyé au chambranle de la porte, la main droite sur la hanche, le regardait l'air moqueur. Où diable avait-il déjà vu ce regard ? Nicolas passa outre et le bouscula quelque peu en sortant. Casimir, étonné, le vit se jeter comme un fou dans l'escalier.

    Il erra longtemps dans la nuit et dans la boue, marchant le long des quais, raccroché çà et là par des boucaneuses dont les bouches édentées proféraient des obscénités cajolantes et lançaient des propositions infâmes. Dans l'une d'elles, maquillée à l'excès et à laquelle le nez manquait, il crut reconnaître la vieille Émilie, fantôme resurgi de son passé, conduite jadis comme témoin au gibet de Montfaucon où elle avait coutume de couper de la viande aux charognes des chevaux pour alimenter un commerce de soupe. L'évocation de la vieille femme le jeta dans un tourbillon d'images et de visages parmi lesquels la face du jeune homme de la rue de Verneuil ressurgissait comme une obsession. Il s'arrêta pour boire un horrible tord-boyaux dans un estaminet enfumé près du Pont-au-Change et, après bien des détours, se retrouva rue Montmartre, devant l'hôtel de Noblecourt.
    L'office offrait l'image de désordre d'une réception animée. Plein d'amertume, il hocha la tête ; sa soirée se résumerait donc en rebuffades, fuites diverses et visites de cuisine. Une vaste rumeur venait du premier étage, paroles et rires que dominait la voix de basse de Guillaume Semacgus. Parvenu jusqu'à la porte entrouverte de la bibliothèque où se dressait à l'accoutumée la table, il s'arrêta et, appuyant son front brûlant contre le bois dont l'odeur de vernis lui emplit les narines, il écouta ce que disaient ses amis.
    — Devant une telle merveille, clamait Semacgus, il convient de procéder avec la délicatesse la plus consommée. Une trop longue incision introduirait l'air extérieur et le contact avec celui qui s'échappera, risquerait d'offusquer un équilibre fragile et d'affaisser l'ensemble. Cela me rappelle une opération accomplie en pleine tempête au large de l'île Bourbon. Il s'agissait d'une trépanation, et la partie méningée...
    — Fi ! Voilà bien le chirurgien de marine qui reparaît, dit M. de Noblecourt. Que n'allait-il nous décrire ? Je crains que cela ne s'accorde guère avec notre plaisir. Qu'en dites-vous, La Borde ?
    — Le roi, répondit La Borde, excelle à ce genre d'opération. Il y mêle à la fois la décision et la douceur. Comme avec une poulette 5 que l'on voudrait ameublir !
    — Voulez-vous bien vous taire, mauvais drôle ! dit le vieux procureur dans un hoquet de joie. Il y a des dames. Je n'ai plus, à mon âge, de fermeté dans ces affaires et ma main tremble.
    — Foi de chirurgien de marine, voilà bien une réponse qui se veut morale et qui redouble la grivoiserie du propos !
    Bourdeau intervint :
    — Nicolas vous l'eût ouverte en un tour de main. Maintenant, il faut vous y résoudre. Trop tarder nuirait à son excellence et amollirait les couches intérieures.
    — Ah ! il nous manque notre Nicolas, soupira M. de Noblecourt, mais il aime, et trop
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