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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch
Autoren: Jean-François Parot
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ne pas aller au Châtelet, où rien d'urgent ne l'appelait, et de s'octroyer une journée de réflexion. Il irait lire dans la bibliothèque de M. de Noblecourt, échappant ainsi à l'orage de fin d'été qui menaçait Paris. La journée serait lourde, comme le poids qui pesait sur son cœur.
    Il savait trop ce qui allait advenir. Déjà « vieille cour » comme disait La Borde, magistrat de police réputé fidèle du feu roi, marqué, malgré qu'il en eût, par les stigmates d'une affaire qui avait transpiré au dehors et dont les bons esprits ne connaissaient qu'une face sans en deviner les arcanes secrets, Nicolas ne donnait pas cher de sa carrière. Son ancienne position auprès de Sartine, désormais exalté dans sa gloire ministérielle, ne vaudrait plus guère et on lui ferait sentir au centuple l'acrimonie d'avoir dû le supporter, même s'il avait veillé à ne pas abuser de son pouvoir et de son influence. Les services rendus, il le savait, suscitaient plus d'ingratitude que de reconnaissance. Quant à M. Le Noir, souhaiterait-il prolonger un rôle et une fonction si particulière dans le traitement des affaires extraordinaires ? Au mieux, Nicolas serait placé en observation avant qu'on tranchât sur son sort ; au pire il serait écarté et cantonné à des tâches subalternes. Sa fidélité au prédécesseur ne serait comptée pour rien et même considérée comme une tare et un inconvénient.

    Quand il arriva rue Montmartre, un équipage attendait sous le porche. Le cocher, rouge et suant, l'habit tombé, buvait du cidre rafraîchi que lui servait Catherine. Les mitrons de la boulangerie s'agglutinaient en une masse joyeuse et caquetante qui commentait cet événement extraordinaire. Le plus âgé lui conta en riant que tous avaient dû prêter la main pour hisser à l'étage une grosse dame dont le maquillage tombait par plaques, comme les croûtes farinées d'une miche. Nicolas, saisi de curiosité, s'achemina vers l'appartement de M. de Noblecourt. Avant de franchir la porte du salon, il s'arrêta, surpris par le son d'une voix éraillée qu'il connaissait bien.
    — Ce breuvage, mon bon monsieur, est d'un doucereux !
    — D'un doucereux ? s'inquiéta M. de Noblecourt.
    — Oui-da ! Il s'écoule dans le gosier avec une douceur qui me rappelle un vieux ratafia dont notre Nicolas raffolait. Et ces nonnettes au limon ! Elles sont d'un moelleux ! Faut vous dire que je suis du genre à avaler toute la rue des Lombards 75 .
    Nicolas risqua un œil par la porte entrouverte. Il vit la Paulet, une masse de satin parme et de rubans violets, affalée, et la chair débordant d'une bergère. La retraite au bon air semblait lui profiter. Son visage, toujours aussi cérusé et aux pommettes soulignées de rouge, avait gagné une sorte de dignité et d'apaisement, fruit sans doute de la dévotion et du service des pauvres auxquels, en dépit de ses infirmités, elle se vouait désormais. M. de Noblecourt – Mouchette endormie sur ses genoux et Cyrus à ses pieds – en habit noir et grande perruque régence, jouait les directeurs de conscience avec cet air de bonhomie polie qui dissimulait si bien une sagacité toujours en éveil.
    — Madame, dit-il, que me vaut la grâce de votre visite ?
    — Vous êtes bien urbain et bien délicat, mon bon monsieur. Croyez que j'ai quelque peu barguigné à venir vous voir. Si je m'y suis résolue, c'est en me forçant. Vas-y, vieille bête, me suis-je dit, que risques-tu d'ouvrir ton cœur à ce monsieur dont Nicolas t'a tant parlé ? Je me faisais du martel en me demandant si vous accepteriez de recevoir une ancienne tenancière. Pensez donc, un procureur ! Voilà, je me lance. J'ai confié le souci de ma maison, Le Dauphin Couronné , à l'une de mes anciennes pensionnaires, la Satin. Et il faut vous dire qu'elle fut, il y a déjà belle lurette...
    — La bonne amie de Nicolas.
    — Ah ! J'aime mieux cela, vous savez tout. Il y a toujours eu un brin de muguet entre eux...
    — Un brin de muguet ?
    — Oui, quoi, du sentiment et, souvent, du retour de flamme. Faut savoir qu'étant retirée à Auteuil, pour les gros travaux, une servante vient de la rue du Faubourg Saint-Honoré pour aider ma cuisinière. La petite est gentille et très bavarde. Je la fais causer et je me tiens au fait de la marche de mon établissement. Elle m'a confié que notre Nicolas, l'autre jour, est tombé sur un jeune homme. Son émotion prouve que l'air de ressemblance
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