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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch
Autoren: Jean-François Parot
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passera.
    Nicolas se souviendrait longtemps de la réaction du jeune homme. Elle fut effroyable et fit soudain ressurgir le visage d'ange mauvais de son aîné, réveillant chez Nicolas les cauchemars d'un passé mort. Telle une bouche de l'enfer, l'homme vomit des insultes et voua ses juges à d'éternels tourments. Il hurlait au point qu'il paraissait même effrayer Camusot. Il décrivit avec un luxe de détails atroces l'agonie de Mme de Lastérieux, maudissant Nicolas au point que celui-ci finit par se boucher les oreilles pour ne plus entendre cette litanie de haine. Si un doute avait pu subsister, la réaction du jeune Mauval l'aurait écarté. Les deux coupables furent expulsés dans la hâte, laissant les assistants et les magistrats épouvantés de ce qu'ils venaient d'entendre. À ce moment, un homme entra, un cavalier vêtu de noir, qui remit une grande lettre frappée du sceau de France à M. de Sartine. Après l'avoir ouverte et lue, il redressa la tête, pâle et mécontent.
    — Messieurs, dit-il, on me fait part de la démission du duc d'Aiguillon et d'un ordre formel de bannir du royaume sur-le-champ, et sans qu'aucune poursuite soit engagée, le commissaire Camusot et M. von Müvala. M. Balbastre doit être libéré. L'ordre est signé de M. le duc de La Vrillière, au nom du roi.
    — Monsieur..., protesta Nicolas.
    — Il suffit, le coupa Sartine. Nous devons nous incliner devant une décision qui s'impose à nous, défenseurs de la loi et magistrats du roi, même si elle nous en coûte.
    MM. Le Noir et Testard du Lys se retirèrent aussitôt, saluant froidement Nicolas. M. de Sartine s'approcha de lui, lui mit la main sur l'épaule, geste inouï de sa part.
    — Vous avez lu Montesquieu, Nicolas. Il y a une phrase de lui qui court dans ma mémoire : «  Mais on crut qu'il était de la prudence de cesser les poursuites car l'on courait le risque de trouver un grand ennemi dont il fallait se cacher l'inimitié, pour ne pas se le rendre irréconciliable . » Vous avez traité en maître cette affaire et n'avez rien à vous reprocher. Nous sommes les colonnes d'un État que certains s'efforcent d'ébranler. Parmi d'autres, cette histoire en porte témoignage. Quant aux coupables... Demeurez sur vos gardes ; un jour, vous croiserez à nouveau cette canaille.

ÉPILOGUE
    Faut-il qu'en un moment un scrupule timide
    Perde ?... mais quel bonheur nous envoie Atalide ?
    Racine

    Mercredi 24 août 1774
    Nicolas fut appelé de bon matin à l'hôtel de Gramont. Une agitation inusitée y régnait. Des valets portant de lourdes malles d'osier montaient et descendaient les degrés. Des voitures chargées à l'excès encombraient la cour. C'était comme les préparatifs d'un déménagement. Il fut introduit dans le bureau du lieutenant général de police. Celui-ci présidait à la mise dans des boîtes de cuir précieux de ses perruques bien aimées. À la vue du visiteur, il s'arrêta.
    — En deux mots, lui dit-il, je viens d'être appelé par le roi au département de la Marine où je succède, comme ministre, à M. Turgot qui prend le Contrôle général. Je dois laisser la place à M. Le Noir, dont j'ai avancé le nom pour me succéder. Le duc de Chalabre me loue un hôtel proche dans son jardin ; vous y serez toujours le bienvenu. Je dois gagner Versailles toutes affaires cessantes. Je n'ai guère de temps pour vous dire tout ce que j'éprouve...
    Il fit claquer à plusieurs reprises le fermoir d'une boîte.
    — ... Et vous dire... Enfin, je vous ai recommandé à mon successeur. Présentez-vous à lui sur-le-champ ; les premières heures sont décisives et ceux qui ne se poussent pas à ce moment-là sont à jamais comptés pour rien. Il est trop tôt pour que j'envisage de vous trouver un emploi à mes côtés à la Marine, pour le moment du moins. Cela ne signifie nullement que je ne ferai pas un jour appel à vous. Certes, je le ferai. Au revoir mon ami.
    Et il se remit à emballer ses perruques en morigénant des valets maladroits. Nicolas se retira abasourdi au milieu de l'agitation générale. Ainsi s'achevait, en quelques secondes, un travail commencé quatorze ans plus tôt. Il était sensible à l'émotion contenue de Sartine. Qu'elle fût à la hauteur de la masse de dévouement, de fidélité et de loyauté qui avait présidé, au fil des ans et des épreuves, à sa tâche près du lieutenant général de police, il n'en était pas entièrement persuadé. Il décida de
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