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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch
Autoren: Jean-François Parot
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fameux opéra de Rameau. La terre, l'enfer et l'Élysée y étaient représentés et, dans ce dernier, l'illustre compositeur trônait sur un banc, la lyre à la main. Nicolas, qui avait croisé Rameau aux Tuileries quelque temps avant sa mort, avait jugé le portrait fort ressemblant.
    Contre un mur du salon, s'élevait un grand orgue à pédales. Balbastre exécuta une fugue tout en déplorant le son criard de l'instrument et le bruit désastreux de ses touches, mais il lui était nécessaire pour ses exercices, au grand désespoir, ricanait-il, de ses voisins. Une jeune femme à la chevelure aux reflets ardents encadrant un visage fin et expressif que relevait une tenue grise et noire de tertiaire ou de veuve, s'exclamait devant la virtuosité de l'organiste. En habituée, elle fut invitée à essayer le clavecin. Elle exécuta une sonate particulièrement difficile avec beaucoup de sentiment. L'hôte reprit la main pour moduler un air de Grétry. Le son de l'instrument parut à Nicolas plus délicat que puissant. Il échangea quelques propos avec la jeune femme au regard mordoré. Elle lui précisa que le toucher en était très léger en raison de la présence de sautereaux de plumes 1 . L'échange se poursuivit, et ils se retrouvèrent dans la rue. Nicolas proposa de la reconduire dans son fiacre de service. Quand ils parvinrent rue de Verneuil, où elle possédait un grand logis, Nicolas était déjà un homme heureux ayant entamé les prémices. Les moments qui suivirent, après l'invitation à admirer un piano forte, consommèrent leur entente. Tout le reste, et pendant des semaines, s'était exalté d'embrassements et de langueurs auxquels succédaient les longues plages de l'absence et de l'impatience. Rien ne paraissait devoir mettre un terme à l'insatiable faim qui les réunissait.

    Qu'avait-il, au fond, à lui reprocher ? Sa beauté était indéniable à une époque où, après avoir été décrié, le blond tirant sur le roux revenait à la mode. La nuance des cheveux de la jeune dauphine en avait ainsi décidé, en dépit des efforts véhéments de Mme du Barry, la favorite en titre. De beaucoup d'esprit, et infiniment ornée, la conversation de Julie de Lastérieux charmait par la diversité de ses sujets et par les vues originales qu'elle y semait. Elle avait épousé fort jeune, après avoir quitté le couvent, un intendant de marine beaucoup plus âgé qu'elle, ordonnateur en Guadeloupe. Une charge de secrétaire du roi en ses conseils avait anobli M. de Lastérieux qui avait eu la bonne manière de mourir presque aussitôt arrivé aux Îles. Sa veuve bénéficia par héritage d'une grande aisance et rejoignit Paris en compagnie de ses serviteurs noirs.
    Même si son caractère la portait à mettre ascendant à tout, elle veillait avec Nicolas à ne point se départir d'une réserve, teintée d'une tendre admiration, qui impressionnait celui-ci davantage qu'une volonté affirmée. Il restait que les motifs d'irritation avaient fini par surgir entre eux. Au début, la passion encore vive ne manqua pas de rapetasser ces déchirures en épiçant la vie commune de réconciliations délicieuses. Les mois passant, ces escarmouches répétées le fatiguèrent. Elles portaient toujours sur les mêmes objets. Elle le tympanisait de son souhait de le voir vivre avec elle. Il refusait, pressentant derrière cette requête une autre demande informulée qu'il ne souhaitait pas comprendre. L'incessante plainte sur ses absences et sur l'esclavage de fonctions qui ne lui laissaient aucune disponibilité revenait à chaque querelle. À cela s'ajoutait qu'il devait sans cesse lui répéter de n'avoir point à le présenter comme étant le marquis de Ranreuil. Ce qu'il acceptait – lui, l'enfant naturel tardivement reconnu – de la part du roi et des membres de la famille royale comme un honneur, son amour-propre et son sens de la mesure le repoussaient venant d'ailleurs. Il sentait bien l'envie qui la rongeait de paraître à la Cour et les prétentions que leur relation favorisait. Cela le gênait comme une incongruité et une faute de goût. Enfin, il ne dissimulait pas l'agacement et la tristesse de constater les tentatives successives de Julie en vue de l'éloigner de ses amis les plus proches, à l'exception de M. de La Borde, premier valet de chambre du roi, que son accès au souverain et son prestige personnel paraient de toutes les vertus. Un souper chez M. de Noblecourt avait tourné au
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