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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch
Autoren: Jean-François Parot
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qu'il fit tomber le verre de Balbastre et ne s'en excusa pas. Il jeta son manteau sur ses épaules, n'attendit pas que Casimir lui ouvrît la porte et, l'escalier dévalé quatre à quatre, se jeta dans le froid et la neige de la rue de Verneuil. Il ne savait plus où il devait porter ses pas et piétinait, hagard, sur la chaussée. Ce fut à ce moment-là qu'une voiture surgit et qu'il retrouva le sens de la réalité.
    Son premier mouvement fut de courir rue Montmartre et de reprendre sa place au milieu de ses amis. Il se ravisa bien vite ; il n'était pas convenable, ni pour lui ni pour eux, de leur faire sentir que leur compagnie ne représentait qu'un expédient grâce auquel sa soirée ne serait pas totalement gâchée. Une telle attitude ne correspondait pas à l'estime et à l'affection qu'il leur portait. Il consulta sa montre à répétition. C'était un présent de Madame Adélaïde, la fille du roi, en remerciement d'une enquête où des bijoux dérobés avaient été par lui retrouvés. M. Caron de Beaumarchais, horloger de Mesdames et leur homme à tout faire, la lui avait livrée. Le messager, plein de gaîté, s'était acquis sa sympathie. Il avait expliqué le fonctionnement de la montre qui sonnait les heures et les minutes par deux tintements différents et délicats. Mille conseils avaient été dispensés : ne pas claquer le couvercle, à l'envers duquel figurait un délicat portrait de la princesse, remonter lentement le mécanisme et ne jamais laisser l'objet précieux sur la froideur du marbre. Nicolas, étonné, s'était enquis des raisons de cette précaution et avait appris que les huiles des mécanismes figeaient lorsque le froid était trop vif ; le phénomène entraînait l'arrêt des rouages. Il pressa sur un ressort. Six coups graves, six coups cristallins, il était six heures trente de relevée. Il continua un temps à patauger à l'angle de la rue de Beaune après avoir été bousculé sans méchanceté par un groupe de mousquetaires en goguette qui sortaient de leur casernement tout proche 2 .
    Il réfléchit un moment avant de savoir où porter ses pas. Non, décidément il n'irait pas promener sa triste figure rue Montmartre. Depuis longtemps, il souhaitait entendre la nouvelle étoile montante du Théâtre-Français, Mlle Raucourt 3 . Elle avait débuté un an auparavant dans le rôle de Didon . Le Mercure et La Gazette s'étaient fait l'écho de la sensation produite. De mémoire d'homme, on ne se souvenait pas d'une semblable impression. Elle n'avait pas encore dix-sept ans, paraissait faite à peindre avec un son de voix qu'on disait enchanteur, une tournure d'exception et une prodigieuse intelligence des rôles. Nicolas irait écouter la pièce du jour, cela le distrairait de ses soucis, et sans doute glanerait-il en passant quelques nouvelles croustillantes ou édifiantes qui feraient les délices, le lendemain, du lieutenant général de police.

    La neige s'était transformée en pluie glacée lorsqu'il passa devant la masse sombre de la pompe à eau du Pont-Royal. Les lanternes du chemin qui bordaient la rive droite du fleuve et la terrasse des Tuileries, faiblement nimbées d'auréoles, brillaient dans l'humidité ambiante. Disposant d'un passe permanent, il se fit reconnaître, après avoir frappé au guichet, par le concierge du corps de garde. Celui-ci lui ouvrit la grille en grognant d'être tiré de la dégustation d'un vin chaud dont les épices fleurissaient ses moustaches blanches. Dès qu'il fut dans les jardins, Nicolas regretta son initiative. Loin de lui faciliter la route, le raccourci le lançait dans une immensité neigeuse où les allées avaient disparu. Il songea que, pour le coup, il gâterait ses escarpins, ce qui le contrariait d'autant plus qu'il s'y trouvait comme dans des chaussons de feutre, et pouvait demeurer debout de longues heures sans fatigue ni compression. Faire le tour par la colonnade du Louvre eût été plus judicieux. Dans le calme de la soirée, il aurait pu prendre la mesure des embellissements extérieurs que la ville y ménageait en déblayant la place pour en chasser toutes les petites échoppes établies depuis des lustres. Le projet consistait, quand le sol serait nivelé et bien égalisé, à les remplacer par des gazons encadrés qui permettraient un coup d'œil agréable et offriraient la possibilité de voir le Point-du-Jour à partir de ce bel endroit.
    Les grandes masses sombres des statues lui servirent de
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